vendredi 22 février 2019

PÉDOPHILIE. L’ÉGLISE CATHOLIQUE NE FAIT PLUS VŒU DE SILENCE

À la suite de la multiplication des affaires d’agressions sexuelles impliquant des prêtres dans la dernière décennie, le Vatican organise à partir d’aujourd’hui une rencontre historique pour combattre ce fléau.
Le silence n’est plus d’or en l’Église. Un sommet crucial se tiendra au Vatican, à partir d’aujourd’hui et jusqu’à dimanche. Il portera sur « la protection des mineurs dans l’Église ». Preuve que celle-ci semble prête à se réformer, un acte fort et symbolique a été produit en amont de cette rencontre qui rassemblera les 190 dirigeants des Églises nationales et orientales. Samedi, Theodore McCarrick, 88 ans, ancien cardinal états-unien, a été défroqué, rendu à l’état laïc, par le pape François. Le prélat était accusé d’abus sexuels sur mineur, il y a près de cinquante ans.
Cette histoire est l’une parmi des milliers mises au jour ces dernières années, et qui poussent aujourd’hui l’Église, sous la pression d’opinions publiques révulsées, à se transformer. Aux États-Unis, où les affaires d’abus défraient la chronique depuis trente  ans, le quotidien Boston Globe avait révélé, dès 2002, que la hiérarchie avait couvert des affaires concernant cinq prêtres qui ont finalement eu affaire à la justice. Cela conduisit à l’installation d’une commission nationale. Celle-ci a permis de mettre en place des procédures pour faire face aux plaintes. Pour autant, l’Église américaine n’en a pas fini avec les affaires : un récent rapport a montré qu’un millier d’enfants avaient été victimes d’abus sexuels en Pennsylvanie.

En Europe, l’ampleur des affaires n’a été révélée que depuis dix ans

Dans la très catholique Irlande, les premiers cas de viols et agressions ont été médiatisés dans les années 1990. Les enquêtes ont montré combien l’institution avait gardé les choses secrètes. En Australie, en Allemagne, où, selon une enquête universitaire publiée en septembre dernier, 3 677 mineurs ont été victimes d’abus, l’Église a été conduite à se pencher sur le phénomène. Dans plusieurs de ces pays, des codes de conduite, des procédures ont été mis en place. Mais rien n’a encore été réellement fait au niveau mondial, alors qu’il n’a été pris conscience de l’ampleur du fléau, en Europe, que depuis une dizaine d’années.
Officiellement au moins, l’heure n’est plus à la dissimulation. « Le silence n’est plus acceptable », a proclamé lundi l’archevêque de Malte, Charles Scicluna. Samedi, au troisième jour de la réunion, les travaux porteront sur les manières de rompre le silence. Les mots d’ordre sont, selon le prélat maltais qui s’est exprimé lors d’une conférence de presse, la « responsabilité » et la « transparence ». La réunion devrait déboucher sur des procédures et des directives adressées aux évêques.

François a entrepris une réforme de la curie

Avant même l’élection du pape François, le 17 décembre 2013, le Vatican avait commencé à prendre les devants. Depuis 2001, sous Jean-Paul II, les évêchés ne peuvent plus traiter les affaires de viols et agressions sexuelles en interne. Ils doivent en référer à la curie, le gouvernement de l’Église. Si ce sommet est historique, une circulaire de la Congrégation de la doctrine de la foi, qui a eu l’imprimatur de Benoît XVI, l’était tout autant. En décembre 2011, le Vatican adoptait une politique de « tolérance zéro » et estimait que les abus sexuels ne relevaient plus du droit canon, mais de la justice des hommes.
La réunion qui s’ouvre aujourd’hui illustre le cap que s’est fixé le pape François au début de son pontificat : que les Églises renouent avec leurs peuples. Originaire du continent latino-américain, où l’Église romaine est concurrencée par les cultes évangélistes protestants, il s’est donné pour mission de s’adresser aux plus démunis, d’où ses envolées contre la prédation de la finance. « L’Église doit sortir dans les rues, chercher les gens, aller dans les maisons, visiter les familles, se rendre dans les ­périphéries », prêchait-il en juin 2014. Il a, depuis, fait enquêter sur les finances ­vaticanes, la banque pontificale étant engoncée dans les scandales financiers. Surtout, il a amorcé un virage : l’Église doit s’adresser à la société telle qu’elle est. Son « Qui suis-je pour juger ? » s’adressant à un homosexuel est resté dans les mémoires. De même, il s’est dit prêt à examiner l’accès à la communion des personnes divorcées et remariées. Il a également facilité les procédures de nullité matrimoniale (le divorce catholique).
Pour redorer le blason de l’Église, son grand chantier est d’en finir avec les « ravages du cléricalisme ». Dans cette optique, il a entrepris une réforme de la curie que les plus conservateurs, au sein du Vatican, freinent des quatre fers. Au début de son pontificat, en 2014, le pape dénonçait les « quinze maladies curiales ». Parmi elles, l’indifférence aux autres, l’accumulation, la vie en cercles fermés, la « schizophrénie existentielle », certains prônant le contraire de ce qu’ils font. Il appelait les prélats à redevenir des pasteurs.

Les mesures prises ne permettent pas de prévenir les abus sexuels

Pour Jorge Bergoglio, la pédophilie dans l’institution est rendue possible par le cléricalisme, la domination de la hiérarchie catholique sur les laïcs. Si les mesures prises permettent de traiter les abus sexuels commis, elles ne permettent pas de les prévenir. Pour ce, il y a besoin d’une révolution culturelle. C’est, pour le pape, le système clérical qui a encouragé « une loyauté mal placée ». En août 2018, dans une lettre au peuple de Dieu, il dénonçait un cléricalisme qui générait des « petites élites », et partant « une scission dans le corps ecclésiastique qui (fomentait) et (aidait) à perpétuer les nombreux maux qu’on dénonce aujourd’hui ».
Outre les abus sur mineurs, ces dernières années, on a vu combien le système hiérarchique, quasi sacré au sein de l’Église, avait été source de toutes les dérives, des nourrissons enlevés à leurs mères célibataires en Irlande, dans les années 1960, aux religieuses violées dans les couvents aux quatre coins du monde encore de nos jours.

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