Élus du champ républicain et citoyens se sont rassemblés en nombre place de la République le 19 février au soir pour témoigner de leur refus de l’antisémitisme.
Au milieu de la foule massée sur la place de la République, Marie-France tenait à être présente ce soir là. De confession juive, la jeune femme de 22 ans confie son inquiétude face à la montée des violences antisémites. « Je n’ai aucune autre réponse que d’être là ce soir », souffle-t-elle. Son amie Candice, qui l’a accompagné ce soir, se dit également touchée par le climat de haine qui caractérise les dernières semaines. Le « front uni » des partis politiques ? Ni l’une ni l’autre ne souhaite le commenter. « Il serait de toute façon mal venu de pas afficher l’unité… », laisse simplement entendre Candice. Parmi les élus de toutes obédiences, à l’exception de ceux d’extrême-droite, Ian Brossat, tête de liste des communistes pour les élections européennes et maire-adjoint de Paris est venu accompagné de parlementaires PCF, dont le secrétaire national du parti et député du Nord Fabien Roussel ainsi que du président de son comité de soutien Lassana Bathily. Un symbole fort puisque ce dernier est le héros de l’Hyper casher, théatre de la sanglante attaque antisémite perpétrée le 9 janvier 2015. « C’est une réaction salutaire », estime le candidat PCF jaugeant le nombre imposant de participants. « Elle témoigne d’un rejet massif de l’antisémitisme et de toutes les tentatives visant à instiller le venin de la haine et de la division au sein de notre peuple. Devant les membres du gouvernement et un parterre d’élus en écharpe installés sur une scène, Robert tend une pancarte sur laquelle est inscrit « Il n’y a pas de mais ». Le retraité explique : « Dans une telle situation, aucun « mais » n’est tolérable, aucune justification n’est acceptable. Racisme, antisémitisme, sexisme … Il ne faut pas transiger. » Un avis partagé par Samir, kiosquier à Barbès, qui se dit choqué par les violences perpétuées à l’encontre de juifs ces dernières semaines. « Face à la montée du rejet, que ce soit celui du judaïsme, de l’islam ou de n’importe quelle religion, il faut faire front. Dans mon quartier, des gens de toutes confessions cohabitent, en harmonie. Oui, il est possible de vivre ensemble ! »
Sur la scène, un rabbin prend la parole : « Le combat n'est pas seulement celui des juifs mais de la France entière. (Ces actes sont) un test de sa dignité et de sa grandeur ». Peu après, c’est au tour du chanteur Abd-Al-Malik de marteler : « C'est important que nous soyons tous là pour dire vive la France unie et débarrassée de ses peurs », avant que des collègiens ne récitent des textes de Franz Fanon, Georges Moustaki ou encore Simone Veil, particulièrement applaudie. « Les enfants sont venus ici dire qu'ils reprenaient le flambeau », a souligné Boris Vallaud, député socialiste. Et si le député Jean Lassalle se félicite de « la conscience du peuple qui rêve d'un printemps, et plus de rivières de sang », le patron de LaRem estime que « Ce ne peut pas être la seule réaction. C'est aussi une bataille culturelle, dans l'éducation, la justice et la police ». Il souhaite notamment « punir les actes racistes sur internet » au motif que « ça commence toujours par des mots et finit par des actes »..
Malgré des bémols, l’unité manifestée ce soir là n’a pas manqué de toucher Emmanuelle. De religion juive, celle-ci se félicite de la participation massive des Parisiens au rassemblement. « Nous étions seuls après l’hyper cacher, seuls après l’attentat de Toulouse… Aujourd’hui, l’unité nationale contre l’antisémitisme est un soulagement. Mais nous ne nous faisons pas d’illusions : on sait que la violence à l’égard des juifs existera toujours », ajoute-t-elle avant d’écouter avec émotion les paroles de paix lancées au micro par des collégiens parisiens.
Au milieu de la foule sombre, trois jeunes hommes ont revêtu le gilet jaune. François, 18 ans, est l’un d’entre eux. « Il était important qu’on soit là. Les violences perpétrées à l’égard des juifs durant les dernières mobilisations ont terni l’image du mouvement. Des actes isolés que la grande majorité d’entre nous condamne sans détour ! » Et si les trois gilets jaunes suscitent parfois quelques commentaires sur leur passage, la plupart des Parisiens présents se félicitent de leur présence. Deux jeunes militants du PCF venus au rassemblement auraient quant à eux été agressés, selon Pierric Annoot, secrétaire départementale de la fédération communiste des Hauts-de Seine qui dénonce « un climat de haine, largement attisé (…) par des de nombreuses déclarations d’irresponsables politiques ».
A quelques rues de là, à Ménilmontant, quatre cents personnes s’amassent autour de la place Jean Ferrat qui entoure la bouche de métro à l’appel de plusieurs associations et partis, dont l’union juive française pour la paix (UJFP) ou le NPA. Au micro, sur une scène improvisée au milieu d’un parterre de fleurs surélevé, les représentants des différentes organisations se succèdent, s’accordant à dénoncer l’instrumentalisation des actes antisémites et affirmant leur combat contre toutes les formes de racisme. Tous dénoncent « les actes de racisme et de haines » engendrés par un « régime violent et inégalitaire ».
Rosa, enseignante installée en France depuis 30 ans, applaudit. S’il était important pour elle de se rassembler contre l’antisémitisme, elle ne l’aurait pas fait n’importe où. Et surtout pas là-bas, à République, où s’est rassemblé ce gouvernement qu’elle trouve « rempli de condescendance et de mépris » à l’égard des citoyens. « Ils ont du mal à accepter que la population ne soit pas fidèle à une image fixe, homogène et qu’elle soit au contraire le fruit de mélanges, qu’elle change sans cesse de couleurs et d’accents », estime-t-elle.
Même constat pour Pasionaria, 64 ans et gilet jaune sur le dos. Cette manifestation Place de la République, ce « bal des hypocrites, des faux-culs », la fait doucement rigoler : « Vous ne voudriez quand même pas que je marche avec un gouvernement contre lequel je manifeste depuis des mois ? »
Comme elle, une trentaine de gilets jaunes sont venus témoigner. « Quand j’entends dire que les Gilets jaunes sont racistes, ça me blesse profondément, témoigne Yannick, 38 ans. Notre mouvement, c’est un panel complet de la société française, avec ce qu’elle fait de meilleur comme de pire », se désole-t-il.
Marie, 60 ans, acquiesce. De passage dans le quartier, elle s’est arrêtée pour discuter avec les autres. « C’est surtout l’instrumentalisation dont ils sont victimes qui m’afflige », s’indigne-t-elle. « Ca et l’amalgame insupportable entre antisémitisme et antisionisme », enchérit Alima, la soixantaine également, qui dénonce « une stratégie du gouvernement » pour faire porter le chapeau à ceux qui souhaitent « davantage d’égalité, et non d’identité ».
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