Rédacteurs : Eric Fournier et Quentin Deluermoz, enseignants et publiant sur la commune.
En cette année 2011, l’importance des commémorations du 140ème anniversaire de la Commune de Paris a surpris bien des observateurs tant par la multiplicité des manifestations que par l’intérêt soutenu d’un public divers. La Commune reste un objet mémoriel notable. Ce qui est d’autant plus intéressant au regard de la faible place qu’elle occupe dans les programmes de l’enseignement secondaire et qui semble vouée à se réduire comme peau de chagrin. C’est l’occasion de s’interroger sur les raisons de cet effacement et sur la manière dont l’enseignement de la révolution communale pourrait singulièrement compliquer la compréhension du dix-neuvième siècle et de notre « modernité » politique.Le dix-neuvième siècle, terra incognita scolaire ?
L’application du nouveau programme de première générale jette une lumière crue sur l’évolution de la place attribuée à la Commune dans l’enseignement secondaire. Dans l’ancien dispositif sa place était honorable. Elle était traitée à deux reprises. En quatrième, dans le cadre de « l’évolution politique de la France (1815-1914) », une séquence d’une heure lui était consacrée. Puis, en première générale, elle pouvait être traitée en une ou deux heures dans le cadre « de la IIème République à 1879 : la recherche d’un régime politique ». Ainsi, après avoir acquis les bases au collège, le cycle terminal, quoique empreint d’une certaine téléologie républicaine, autorisait un approfondissement permettant de mettre en valeur la complexité des processus socio-politiques qui aboutissaient à la IIIème république.
La nouvelle version applicable en 2011 propose de significatifs déplacements qui ne concernent pas tant la seule Commune que l’ensemble du dix-neuvième siècle. Auparavant abordé par trois fois (quatrième, seconde, première), celui-ci reste pleinement abordé en quatrième mais, dans le cycle terminal, entre un premier dix-neuvième siècle remisé en fin de seconde et un second dix-neuvième siècle qui ne commence abruptement qu’en 1880 dans le programme de première, la période subit comme un double effacement. Le premier est quasi officiel : il organise un vide entre 1848 et 1880. Le second est plus pragmatique, puisque chacun sait qu’il est quasiment impossible de terminer le programme de seconde. Au total, c’est un vaste premier XIXe siècle qui se trouve ainsi escamoté. On pourra nous objecter que l’enseignement de l’histoire n’obéit pas une stricte linéarité chronologique et que la Commune est consacrée comme un acquis du collège. Il n’en demeure pas moins que certains thèmes ont droit à un approfondissement au lycée, notamment – et c’est une bonne chose -la Révolution française, le 20e siècle, le fait colonial. Quant au XIXe siècle, lorsqu’il reste abordé, c’est prioritairement dans une plus longue durée et dans ses aspects économiques, sociaux ou culturels, mais étonnamment pas dans sa dimension politique. L’évacuation d’un premier XIXe siècle allant de 1815 à 1880 n’est donc pas anodine et on peut d’ailleurs se demander si elle ne propose pas ainsi justement une autre forme de linéarité, plus consensuelle. Le phénomène déborde le cadre du programme des filières générales : que ce soit en STG ou au lycée professionnel, cette période, et notamment la Commune, ne peut être abordée que très incidemment. Ces absences font sens.
La Commune, une initiation au siècle des expérimentations politiques
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