lundi 25 juillet 2011

Pour sortir les peuples européens de la crise, faut-il sortir de l'euro ?

Un dirigeant du PCF et un dirigeant du M’PEP ont débattu de l’euro dans l’Humanité Dimanche, n° 270, du 13 au 20 juillet 2001.JACQUES NIKONOFF
Porte-parole du Mouvement politique d’éducation populaire (M’PEP).
DENIS DURAND
Membre du Conseil national du Parti communiste français (PCF).

JACQUES NIKONOFF. Attention aux amalgames ! Il y a une sortie de gauche de l’euro et une de droite, comme il y avait un « non » de droite et un « non » de gauche lors du référendum de 1992 sur le traité de Maastricht et de 2005 sur le projet de traité constitutionnel européen. La sortie de gauche de l’euro est la suite logique de ces « non » de gauche de 1992 et de 2005 à ces traités qui visaient à sanctuariser les politiques libérales. Certains objectent un « effet désastreux d’une forte dévaluation sur le niveau de vie des travailleurs en cas de sortie de l’euro. Il ne faut pas se laisser impressionner par la campagne d’affolement de la population menée par la droite, le patronat et le PS en reprenant leurs arguments ! Pourquoi faut-il sortir de l’euro et dévaluer le franc, la drachme, etc. ? Parce que, pour la plupart des pays de la zone euro – sauf l’Allemagne -, l’euro est surévalué.
Cet euro « fort » signifie qu’actuellement 1 euro vaut 1,40 à 1,45 dollar alors que le taux d’équilibre est de 1 euro = 1,15 dollar. Cela entraîne une baisse des exportations, l’aggravation du déficit commercial, les délocalisations (automobile, aéronautique…), la pression sur les salaires. Inversement, les prix des marchandises venant des pays hors zone euro sont moins élevés à qualité égale que les mêmes produits fabriqués en zone euro. Les consommateurs préfèrent alors acheter les produits importés, moins chers. Donc, là aussi, encouragement aux délocalisations et au chômage. Si on veut mettre un terme à la surévaluation de l’euro, au chômage et à l’écrasement des salaires, il faut donc sortir de l’euro.

DENIS DURAND. Face à cette question, il y a trois positions. Celle qui est majoritaire, soutenue par les forces les plus proches du pouvoir, est favorable à la poursuite de l’euro tel qu’il est et a été conçu et mis en place depuis maintenant 20 ans. Le choix de la monnaie unique était destiné à instaurer des politiques destinées à satisfaire les marchés financiers. Elles ont eu pour résultats une faible croissance dans la zone euro depuis les années 1990, la montée du chômage et de la précarité, l’aggravation de l’emprise du capital allemand sur l’ensemble de la zone, et actuellement, une crise extrêmement aiguë des finances publiques dans la zone euro. Face à cela, une partie de la gauche socialiste propose de continuer et estime que si l’on a cette crise, c’est parce qu’on n’est pas allé assez loin dans le fédéralisme européen. C’est une fuite en avant pour mieux satisfaire les marchés financiers et qui passe par des politiques d’austérité. Première voie manifestement à rejeter. La deuxième voie, c’est celle de Jacques Nikonoff. La troisième, c’est celle du PCF, que je préconise. C’est considérer qu’il n’y a pas de formule magique pour sortir de la crise, et de la crise de l’euro en particulier. On ne peut surmonter la crise du capitalisme financiarisé dans lequel nous sommes sans lutter pour changer aussi l’Europe. La politique de l’euro cher a effectivement des aspects destructeurs sur l’industrie et l’emploi. Mais renverser cette politique exige une solidarité à l’échelle européenne face aux marchés financiers et face à l’hégémonie américaine. Ce sont les États-Unis qui ont délibérément provoqué une politique de création massive de dollars, pour faire baisser le dollar et répondre aux intérêts du capital américain. Le Japon, la Chine, les pays émergent ont réagi en refusant cette baisse du dollar : la hausse de l’euro a servi de variable d’ajustement. Pour en sortir, il faut changer l’euro et sa place dans le système monétaire international, et pour cela organiser une alliance entre l’Union européenne et les pays émergents afin d’imposer un autre système monétaire international, avec une monnaie commune mondiale qui ne soit pas au service d’une puissance dominante, comme l’est le dollar aujourd’hui. Si la solidarité entre Européens éclate au profit d’un repli sur une politique monétaire nationale, on perd un atout considérable dans cet affrontement avec l’hégémonie monétaire américaine. Il faut donc non seulement refuser l’euro tel qu’il est, mais se battre pour le changer.
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