La retraite n’est pas une libération du travail mais une seconde carrière libérée de l’emploi.
La
pension de retraite a été construite avec comme objectif syndical la
continuation à vie du salaire atteint à 55 ans. Le modèle a été le
régime de la fonction publique, étendu à l’EDF (où on parle de « salaire
d’inactivité »), à la SNCF et aux autres entreprises publiques.
Une conquête révolutionnaire
Ainsi,
au début des années 1990, le taux de remplacement du dernier salaire
net dans la première pension nette était dans le privé en moyenne de
84 % pour une carrière de 37,5 ans. L’objectif de la CGT n’était pas
encore atteint, mais on s’en était considérablement rapproché. Les axes
de l’action syndicale ont été la hausse du taux de cotisation afin
d’arriver à un taux de remplacement de 75 % du meilleur salaire brut,
soit 100 % du net, à un âge le plus bas possible (55 ans et 50 ans pour
les métiers pénibles), avec indexation sur les salaires de la pension.La hausse constante du taux de cotisation (passé entre 1945 et 1995 de 8 à 26 % du salaire brut), en reconnaissant toujours davantage la valeur économique produite par les retraités, a ainsi permis une croissance non capitaliste du PIB. Car revendiquer qu’à 55 ans on touche à vie son meilleur salaire, ce n’est pas revendiquer le droit au loisir après une vie de travail, mais c’est affirmer qu’à un âge politique on peut enfin travailler en étant payé à vie, décider de son travail sans employeur et sans actionnaire. Les retraités sont libérés non pas du travail mais de l’emploi et du profit pour travailler dans la liberté. Et ils montrent que cela pourrait être le cas de tout le monde.
La position des réformateurs
C’est
à cette conquête révolutionnaire d’une nouvelle pratique de la valeur
économique que s’attaquent les réformateurs. Prenons les positions de la
CFDT : plus d’âge politique le plus bas possible, mais un âge plancher
au-delà duquel on prend sa retraite quand on veut, plus de hausse du
taux de cotisation mais sa stabilité sur le long terme, plus de pension
remplaçant le meilleur salaire mais une pension calculée sur la base de
la somme des cotisations de la carrière, indexation non plus sur les
salaires mais sur les prix. La référence au salaire a disparu, et avec
elle toute idée que les retraités travaillent et que, sur ce modèle, il
serait possible de libérer tous les travailleurs du marché du travail et
de la propriété lucrative des entreprises. Il s’agit au contraire de
réaffirmer la pratique capitaliste du travail : ne travaillent que ceux
qui sont soumis au capital, les autres ont droit à un revenu différé
obtenu grâce à une prévoyance en répartition et en capitalisation.
Retrouver l’offensive
Comment
retrouver l’offensive face aux réformateurs ? En poussant plus loin les
conquêtes du salaire à vie. Il s’agit de revenir à la revendication de
retraite pour tous avec 100 % du meilleur salaire à 55 ans, qui montre
bien que la retraite n’est pas une libération du travail mais une
seconde carrière libérée de l’emploi. L’initiative des retraités (et on
sait combien les jeunes retraités débordent d’initiative) devrait être
soutenue par un financement des investissements nécessaires à leur
travail. Si les retraités passent des épreuves de qualification, ce
salaire à vie pourrait continuer à augmenter par passage à un degré
supérieur de qualification : la production de valeur économique ne
s’arrête pas avec la retraite ! On pourra, sur cette base, revendiquer
un abaissement progressif de l’âge du salaire à vie… Et aussi s’adresser
aux jeunes avec le projet d’attribuer automatiquement à 18 ans le
premier niveau de qualification (et le salaire qui va avec) et
d’enrichir ainsi la majorité politique par la reconnaissance de la
contribution de chacun à la production de valeur économique.Lire la suite
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