Pourquoi la question de « l’étranger parmi nous » obsède-t-elle aujourd’hui, de manière démesurée, le discours politique ?
Alain Brossat - Le geste philosophique dont je me
sens proche s’attache davantage au « comment » qu’au « pourquoi », je
veux dire aux causes ultimes ou à l’origine première des objets ou
phénomènes sur lesquels nous travaillons. Dans ce travail, je pars de ce
constat : d’une part, la question de l’étranger, telle qu’elle est non
seulement mise en discours mais aussi mise en pratique par nos
gouvernants, est le domaine par excellence où les éléments de
rationalité, les stratégies, l’art de gouverner, etc., sont constamment
envahis et contaminés par les fantasmagories. C’est, par opposition à
« l’imagination au pouvoir », le basculement et la fuite perpétuels dans
l’imaginaire, un imaginaire réactif peuplé d’une multitude de menaces
disparates et de projections fantastiques sur les parois de la caverne
du présent – le spectre du terrorisme islamique, l’insoutenable
envahissement de nos cités par les Roms, insupportables parasites, etc.
Un indice très sûr de cette dérive de la politique de l’étranger de
nos gouvernants dans les eaux de l’imaginaire sécuritaire est son écart
croissant avec les analyses produites par les corps de spécialistes
disposant d’une expertise sur ces questions et incarnant, disons, un
certain principe de réalité – démographes, sociologues, historiens, etc.
Ce n’est pas par hasard que ceux qui inspirent les ministres de
l’Intérieur en la matière (ceux-là mêmes qui donnent le la de
la politique de l’étranger réduite, symptomatiquement, aux conditions
d’une politique de l’immigration) sont des exaltés de la défense sociale
repeints aux couleurs de la criminologie comme Alain Bauer plutôt que
des historiens ou des démographes respectés comme Gérard Noiriel ou
Hervé Le Bras…
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