«
Lorsqu’une entreprise est aux mains de ses salariés, il est rare qu’ils
veuillent se délocaliser en Chine » afirme un syndicaliste d'Ecopla,
entreprise mise en liquidation il y a un an et dont le projet de reprise
en Scop a été retoqué. Photo : AFP
Regards
de salariés, de syndicalistes, de chercheurs… La « renaissance
industrielle » était au menu, mercredi soir, de la troisième rencontre
nationale organisée par le Parti communiste dans le cadre de la
campagne.
Devant
une salle bien garnie, le PCF a organisé hier sa troisième rencontre
nationale de campagne sur le thème de la « renaissance industrielle » à
Eybens, en Isère. La tribune était elle aussi bien fournie
avec
Danièle Linhart (sociologue), Gabriel Colletis (économiste), Nadia
Salhi (syndicaliste CGT), Cyril Zorman (union régionale des SCOP),
Sébastien Elka (revue
Progressistes), David Queiros (maire de
St-Martin d'Hères), Annie David (sénatrice et secrétaire départementale
du PCF Isère) et Pierre Laurent (secrétaire national du PCF). « La
première chose gagnée avec cette soirée, c’est le débat d’idées très
souvent confisqué dans cette campagne», s’est félicité ce dernier,
rappelant que l’objectif était aussi de permettre aux luttes de se faire
entendre.
« Quand j'entends Macron aujourd’hui, ça me fait mal au cœur. »
En première partie du débat ce sont en effet des salariés
d’entreprises industrielles, Ecopla et Arjowiggins, qui ont fait part de
leur expérience. «Nous étions le seul fabriquant de barquette aluminium
et on faisait travailler toute la filière», a rappelé Karine Salaün,
l’une des animatrices du projet de reprise en Scop d’Ecopla après sa
mise en liquidation il y a un an, invitant à mettre en lumière la
proposition de loi rebaptisée du nom de son ancienne entreprise. Il
s’agit d’« informer les représentants du personnel du devenir de
l’entreprise, (de) donner un droit de préemption aux salariés, et (de)
privilégier l’emploi à la créance », a-t-elle développé, alors que
malgré le sérieux de leur projet, la création d’une filiale a minima par
un groupe italien a été préférée à la reprise en Scop. Pourtant,
« lorsqu’une entreprise est aux mains de ses salariés, il est rare
qu’ils veuillent se délocaliser en Chine », a fait valoir Cyril Zorman
vantant la « pérennité » de l’implantation sur le territoire ainsi
permise tout en rappelant que les Scop ne sont pas pour autant une
formule « magique ». De son côté, ce sont les licenciements boursiers
dont il a été victime avec ses collègues, qu’a fustigé Julien Riccardi,
délégué syndical CGT de la papeterie Arjowiggins. « 20% de l’entreprise
appartenait à la BPI, c’est-à-dire à nos impôts, a-t-il lancé. On a
rencontré le ministre Macron qui nous a juré qu’il ferait tout pour
nous. Quand je l’entends aujourd’hui, ça me fait mal au cœur. » « En
douze ans de carrière, j’ai vu les papeteries fermer et la pâte à papier
venir de pays où les normes sociales et environnementales sont très
basses », a également témoigné un salarié de l’ONF pointant aussi que
« derrière ce sont des aciéries qui ferment ». Une menace donc pour les
« 400 000 emplois de la filière bois ».
Un « pays ne peut pas se développer sans industrie »
Une interdépendance qui s’étend à bien d’autres secteurs. « Il n’y a
pas de service public sans industrie ni d’industrie sans service
public», a notamment martelé Nadia Salhi, de la CGT. A l’instar, par
exemple, de la rénovation thermique des logements ou de la maîtrise de
l’énergie qui ont été évoqués comme nombre d’autres dimensions en lien
avec la préservation de l’environnement. En écho à « l’état des lieux
catastrophiques » brossé par la syndicaliste avec une industrie « passée
sous la barre des 3 millions d’emplois », l’économiste Gabriel Coltis,
initiateur en janvier dernier d’une tribune co-signée par Philippe
Martinez, Jean-Claude Mailly mais aussi Pierre Laurent ou encore Arnaud
Montebourg, a estimé qu’un « pays ne peut pas rester développé et ne
peut pas se développer sans industrie ». « Nous sommes tomber en France
dans le mirage des services. Un pays moderne serait un pays qui
abandonnerait son industrie. C’est une erreur très grave », a-t-il
souligné avant de décliner ce qui pourrait constituer les piliers d’un
« nouveau modèle de développement » avec notamment la « reconnaissance
de la place du travail (…) seul facteur qui crée de la richesse dans
l’entreprise ». Il s’agirait également, selon lui, de « remettre la
finance à sa place », de « mieux protéger la nature » avec, en
particulier, la « durabilité » des produits, ou encore de « réorienter
la production vers les besoins fondamentaux ». Quant à Danièle Linhart,
elle s’est attaquée au « management moderne » qui vise « à arracher le
consentement des salariés » au fameux « there is no alternative ».
« C’est une attaque en règle contre les compétences et les savoirs » des
salariés via la mise en œuvre de changements « perpétuels » pour « les
obliger à suivre des critères » définis en fonction de la loi de la
finance, a-t-elle développé.
Un « pôle public bancaire »
En retour, Pierre Laurent a, lui, déroulé les propositions de son
parti en matière de « renaissance industrielle ». « Un million
d’emplois pourraient être créés » dans ce secteur, a-t-il lancé plaidant
pour un plan de « développement d’une vingtaine de filières
stratégiques », pour de nouveaux pouvoirs d’intervention des salariés et
des citoyens dans les choix stratégiques, ou encore pour consacrer
« plus de 2% du PIB à la recherche publique ». Mais, selon le sénateur
de Paris, la « renaissance industrielle » nécessite aussi de remettre la
main sur le financement de l’économie avec un « pôle public bancaire »
(via la nationalisation de la Société générale et de la BNP) qui
permette d’imposer de nouveaux critères dans l’attribution des crédits.
Avec une priorité : la réponse aux besoins humains et aux défis
écologiques.
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