lundi 24 juillet 2017

INTERVIEW - Ian Brossat, l'adjoint communiste en charge du logement à la mairie de Paris, fustige la baisse de cinq euros par mois des aides personnalisées au logement (APL) révélée samedi par France 2.

Lorsqu'il a appris la nouvelle, son sang n'a fait qu'un tour. Chargé des questions du logement à la mairie de Paris, le communiste Ian Brossat s'est insurgé face à la baisse mensuelle de l'aide personnalisée au logement (APL), dont les modalités ont été révélées samedi par France 2. Une information confirmée par le ministère de la Cohésion des territoires. L'ensemble des bénéficiaires, principalement des étudiants et des familles aux revenus modestes, toucheront en effet 5 euros d'APL en moins chaque mois à partir du 1er octobre prochain. Cette nouvelle restriction budgétaire, qui a été votée sous le mandat de François Hollande, devait, à l'origine, ne concerner que les foyers disposant d'un patrimoine supérieur à 30.000 euros. Les allocations de logement familial (ALF) et les allocations de logement sociale (ALS), actuellement versées à 3,9 millions de personnes, seront elles aussi concernées par cette baisse de 5 euros. L'élu PCF explique les raisons de sa colère au JDD.
Que reprochez-vous à la baisse de l'APL voulue par le gouvernement?
C'est une mesure qui est particulièrement injuste. L'APL est touchée par 2,8 millions de foyers, les premières victimes de cette mesure seront donc les étudiants et les familles modestes qui sont les principales bénéficiaires. C'est donc, de mon point de vue, une mesure scandaleuse dans un contexte où ces familles ont souvent déjà des difficultés de pouvoir d'achat.
On parle pourtant d'une baisse de seulement cinq euros par mois… 
Cinq euros par mois représentent peu vu d'un bureau ministériel confortable. Seulement, cela représente quelque chose d'important pour beaucoup de familles et d'étudiants qui, eux, sont à cinq euros près et qui ont besoin de ces cinq euros là pour boucler leur fin de mois. Par ailleurs, quand on diminue l'APL, on diminue la solvabilité des ménages et on augmente les risques d'impayés et donc d'expulsion. De mon point de vue, c'est une mesure qui est dangereuse et qui fragilise les conditions de logement de beaucoup de Français.

"Il y a de l'argent à prendre ailleurs"

Quels seront les impacts concrets sur les 800.000 étudiants qui touchent aujourd'hui l'APL selon vous?
Ce seront clairement des difficultés de pouvoir d'achat supplémentaires pour ces étudiants qui verront leurs aides diminuer dès le mois d'octobre. Je suis un élu de terrain, je tiens une permanence et je vois beaucoup de familles ou d'étudiants qui touchent ces aides. Ils seront donc encore un peu plus fragilisés. Ensuite, l'argument du gouvernement qui consiste à dire que l'APL a un rôle inflationniste sur les loyers ne tient pas. Rien ne garantit que les propriétaires diminueront de cinq euros comme on peut l'entendre. C'est un conte à dormir debout auquel je ne crois pas une seule seconde. 
Le gouvernement justifie surtout cette baisse en expliquant que cela permettra de réduire le poids des dépenses publiques...
Il y a de l'argent à prendre ailleurs. La baisse de l'ISF par exemple [prévue pour l'an prochain, NDLR] retire trois milliards d'euros aux comptes publics! Le gouvernement fait donc le choix de se priver de ces trois milliards alors que, dans le même temps, il rogne l'APL touchée par des familles qui ont des revenus beaucoup plus modestes. C'est clairement un choix politique du gouvernement de faire les poches aux plus pauvres.
Rien ne nous dit que l'année prochaine ce ne sera pas quinze euros, et qu'à terme ce ne sera pas l'APL qui disparaîtra totalement.
Aurait-il mieux fallu rester à la baisse de l'APL pour les foyers disposant d'un patrimoine supérieur à 30.000 euros, comme le souhaitait François Hollande?
C'était déjà une manière de rogner sur l'APL mais maintenant, ce qui est clair, c'est que c'est un pas supplémentaire qui est franchi. Rien ne nous dit que l'année prochaine, ce ne sera pas quinze euros, et qu'à terme ce ne sera pas l'APL qui disparaîtra totalement. C'est donc un message qui est, de mon point de vue, inquiétant.

"Le logement, c'est le grand sacrifié du début de mandat de Macron"

Plus largement, comment percevez-vous l'absence de ministère dédié au logement au sein du gouvernement?
Je pense que c'est fort dommage. Le gouvernement ne parle pour l'instant de logement que comme une source d'économie. Or, le logement devrait surtout être un droit fondamental auquel chacun devrait avoir accès dans une société civilisée. Pour l'instant, il n'y a pourtant aucun signe du gouvernement qui vise à améliorer les conditions de logement des Français. C'est le grand sacrifié de ce début de mandat. 
Que devrait donc faire le gouvernement en matière de logement?
Déjà, il faudrait maintenir l'APL actuel. Ensuite, et surtout, le gouvernement devrait augmenter ce qu'on appelle l'aide à la pierre, c’est-à-dire les crédits qui permettent de produire du logement social et du logement accessible. Or, pour l'instant, le gouvernement baisse ce qu'on appelle l'aide à la personne, c’est-à-dire les aides personnalisées comme l'APL. Rien n'indique en plus que cela sera compensé par une augmentation de l'aide à la pierre. Donc au final, c'est zéro sur les deux tableaux.

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