A
l’Élysée, on ne sait pas quoi penser de ces gilets jaunes. Et si Macron
tente de circonscrire l’incendie avec des mesurettes, il a sans doute
mal évalué la colère provoquée par sa politique et le rejet de sa
personne.
L’Élysée, nouvelle
cible des gilets jaunes ? Si plusieurs citoyens appellent à « marcher
sur l’Élysée », c’est bien que son occupant est visé en premier lieu. Et
ce ne sont pas la hausse du chèque énergie (de 150 à 200 euros) et
l’extension de la prime à la conversion (1 000 euros pour un achat de
voiture moins polluante, 2 000 pour les ménages non imposables) qui vont
calmer le ras-le-bol général dû au pouvoir d’achat. Mais, la question
est dans tous les esprits : quelle sera l’ampleur de la contestation ?
Constitué via Internet, en dehors de toute organisation traditionnelle,
le mouvement est inédit. Et le mot d’ordre flou : il mélange autant les
hausses des taxes sur les carburants que celle de la CSG pour les
retraités, la limitation à 80 km/h, mais également la façon de gouverner
de Macron. « Je me méfie toujours de ces mouvements où on mélange tout
», s’est-il écrié lors des célébrations de la Grande Guerre. Mais lors
d’une réunion de crise à Matignon – il s’en est tenu trois en une
semaine, preuve de la fébrilité du gouvernement –, il s’est enquis : «
Peut-il y avoir une jonction des mécontentements ? » Lors de son «
itinérance mémorielle » dans le nord et l’est de la France, pas une
sortie sans être interpellé, parfois de façon rude, sur les sujets
relatifs au pouvoir d’achat. Comme souvent, il s’est vanté d’aller « au
contact de la colère » mais pour mieux afficher ce mépris de classe qui
le caractérise. « Je suis sûr que vous y gagnez au total », a-t-il
répondu à une femme, dans la droite ligne de son « pour trouver du
travail il suffit de traverser la route » – ce qui a certes l’avantage
de ne rien coûter en carburant. À un autre quidam l’interpellant, « le
17 novembre vous allez la voir la colère qui monte », il a rétorqué : «
le carburant, c’est pas bibi ! », au mépris des évidences. En creux,
c’est l’ensemble de la politique du président – Édouard Philippe et le
gouvernement étant davantage perçus comme de simples exécutants – qui
est en ligne de mire. Selon une étude Ifop, 82 % des Français pensent
que Macron n’est pas « proche de leurs préoccupations », et 72 % que
leur pouvoir d’achat a baissé depuis l’élection de 2017. Au point que le
doute atteint les rangs de la majorité : plusieurs députés LaREM ont
ainsi mis en garde. « Dans cette période difficile économiquement, où le
prix du baril est élevé, l’État devrait faire un geste », estime
Frédéric Barbier, député macroniste du Doubs. Avant d’ajouter : « Et ne
pas réaliser une forme d’enrichissement. » Une phrase qui en dit long,
alors que ces taxes sont plutôt destinées à combler les cadeaux fiscaux
aux riches et aux entreprises, comme le résume le réseau d’associations
Amorce, mis à contribution dans le cadre du rapport gouvernemental du
Comité pour l’économie verte : « Elles (les taxes – ndlr) ne doivent pas
avoir pour principal objectif de compenser la suppression de la taxe
d’habitation. » D’autant que ces taxes ne visent que les ménages, comme
le rappelle Ian Brossat, chef de file du PCF aux européennes, face au
proche de Macron, le député Sacha Houlié : « Pourquoi ne taxez-vous pas
les profits de Total ? » Et de rappeler que les entreprises du secteur
routier et aérien sont dispensées des taxes sur le carburant, et que
l’impact est beaucoup plus fort sur les ménages modestes. « Les mêmes
qui râlent contre la hausse des carburants réclament qu’on lutte contre
la pollution de l’air », déclare Macron. Problème : les Français
semblent avoir compris que sa politique écologique, plus de deux mois
après le départ argumenté de Nicolas Hulot, ne tient pas la route.
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