Le
groupe ferroviaire public a annoncé lundi son désengagement de sa
filiale d’autocars à bas coût, qui souffre d’un déficit chronique, au
profit de la start-up de covoiturage dans laquelle il entre au capital.
95 postes devraient être supprimés.
Trois
ans après le lancement des cars Macron censés donner aux classes
populaires une option de transport à bas coût, le rachat de Ouibus
– jusqu’ici détenu par la SNCF – par la start-up de covoiturage
Blablacar montre une nouvelle fois l’instabilité de ce secteur. En
déficit chronique depuis sa création, en 2012, la filiale de transport
par autocars de la SNCF – d’abord baptisée IDBus avant d’être renommée
Ouibus en 2015 – a accusé 165 millions d’euros de pertes cumulées depuis
2013.
Avec 40 % de part de marché revendiquée et 55 millions
d’euros de chiffre d’affaires en 2017, Ouibus représentait pourtant l’un
des leaders du marché. Si le montant de la transaction n’a pas été
révélé, on sait en revanche que le groupe ferroviaire public va
participer en parallèle à une levée de fonds de 101 millions d’euros
pour augmenter le capital de Blablacar aux côtés d’autres investisseurs,
et disposera d’un poste d’observateur au conseil d’administration de
celle-ci.
Les deux groupes alliés contre l’usage de la voiture individuelle
Les deux sociétés mettent en avant un enrichissement
mutuel de leur offre commerciale pour justifier ce rapprochement. « Dès
l’été 2019, les clients de Oui SNCF se verront proposer une offre de
mobilité intermodale, train et bus dans un premier temps, répondant à
leur attente de simplification. La combinaison train et covoiturage
suivra dans un second temps. Il sera alors possible, pour aller de leur
point de départ à leur point d’arrivée, de combiner les modes de
transport : train, bus et covoiturage, et cela en quelques clics », fait
valoir la SNCF dans un communiqué de presse.
Les deux groupes prétendent que, loin de se concurrencer,
ceux-ci seraient en réalité alliés contre ce que le PDG de Blablacar,
Nicolas Brusson, qualifie d’« autosolisme », c’est-à-dire l’usage de la
voiture individuelle. « Nous sommes convaincus que, pour faire plus de
train, il faut que nous fassions plus que du train », a lâché le
président du groupe SNCF, Guillaume Pepy. « On a envie de croire en
cette histoire, c’est pour cela qu’on participe à la levée de fonds », a
souligné Rachel Picard, directrice générale de Voyages SNCF.
Avant la cession, la direction de Ouibus est censée
achever la mutation de son modèle économique en abandonnant totalement
l’exploitation d’autocars en propre au profit d’un modèle combinant
franchise et appel à la sous-traitance. Ce qui signifie qu’elle va
renoncer aux 10 % de production interne qu’elle avait gardés, avec pour
conséquence 95 suppressions de postes (dont 84 conducteurs). La SNCF
assure que ceux-ci seront reclassés dans d’autres filiales du groupe
ferroviaire et que « plus de 500 offres ont d’ores et déjà été
mobilisées » pour eux. Le secrétaire général de la CGT cheminots,
Laurent Brun, a déploré à l’AFP lundi « le développement du mode routier
polluant au détriment des trains d’équilibre du territoire », et exigé
que « pas un seul salarié ne soit licencié ». « Loin des espérances de
développement de ce nouveau marché low cost, nous assistons à un
véritable gâchis financier où l’argent public est déversé dans un puits
sans fond », a ajouté dans un communiqué son syndicat.
L’Unsa a de son côté demandé que « des propositions de
reclassement soient faites à tous les salariés de la société SNCF C6
(Ouibus) », s’interrogeant en outre sur l’impact de ce partenariat sur
les conventions TER (train express régional). « En effet, la plus grande
part des recettes commerciales des TER est apportée par les “voyageurs
occasionnels” en correspondance avec des TGV. Une partie significative
de ces clients pourraient choisir le covoiturage », pointe le syndicat
dans un communiqué. « Blablacar, c’est de l’ubérisation. Cette vente,
c’est un jeu de Monopoly qui n’a rien à voir avec du service public », a
dénoncé de son côté Bruno Poncet, secrétaire fédéral SUD rail, qui
accuse la SNCF de « dumping social ». Le responsable syndical craint en
effet que, pour rendre l’entreprise d’autocars profitable, Blablacar ne
rogne « sur les salaires et les conditions de sécurité des passagers ».
Les représentants des salariés devraient en savoir plus sur les
conséquences sociales de cette cession à l’occasion d’un conseil
d’administration et d’un comité de groupe qui devraient se tenir dans
les jours qui viennent.
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