Notre pays traverse une très grave crise institutionnelle et démocratique.
L’affaire Benalla est devenue officiellement une « affaire Macron
» puisque le Président de la République revendique en être « le seul
responsable », tout en affirmant n’avoir à en rendre compte devant
aucune institution de la République, et surtout pas au Parlement. La
démocratie est bafouée comme jamais. Le danger est d’autant plus grand
qu’au même moment, Emmanuel Macron fait tout pour imposer une révision
de la Constitution aggravant tous ses traits anti-démocratiques, même
s’il vient d’en être provisoirement empêché par la suspension des
travaux parlementaires sur cette révision.
Ce scandale d’État est révélateur de ce qui doit cesser au plus vite
dans notre République: l’omnipotence et l’impunité dont jouit le
Président de la République, hors de tout contrôle démocratique. Les
conséquences de cette affaire seront durables, mais elles ne sont pas
jouées. L’avenir ne sera pas le même selon que l’emportera dans
l’opinion la colère, le dégoût, le discrédit de la démocratie ou au
contraire la mobilisation populaire pour exiger la transparence et la
justice jusqu’au bout dans cette affaire, l’abandon de la révision
constitutionnelle programmée par Macron et au-delà une refondation
démocratique de nos institutions jusqu’à l’avènement d’une nouvelle
République fondée sur une nouvelle Constitution.
Une bataille majeure est désormais engagée. Les parlementaires
communistes et notre parti l'avaient lancée avant même l’affaire Benalla
en prêtant leur nouveau serment du jeu de Paume le 9 juillet, quand
Emmanuel Macron est venu devant le congrès à Versailles.
Quels premiers enseignements tirer de cette affaire?
Premièrement, l’extrême gravité des faits. Le chef de la sécurité
privée de l’Élysée, Alexandre Benalla, qui assurait déjà la garde
rapprochée du Président pendant sa campagne, a été installé à un poste
clé, cela en dehors et même à l’encontre des services de protection
officielle de la police nationale. Cet homme a été protégé et ne cessait
d’intervenir en dépassant ses fonctions. Aussi grave soit-il, le 1er
mai n’a pas été un cas isolé. Pourquoi n’y-a-t-il pas eu plus tôt des
réactions? Comment cela a-t-il été rendu possible? Parce que l’impunité
présidentielle s’insinue comme un poison dans notre vie politique et
institutionnelle, et que le sésame présidentiel s’impose au respect des
règles publiques et démocratiques. Mais plus grave encore, on sait
désormais, qu’une réforme de la sécurité de l’Élysée, actuellement
assurée par un service de la police nationale et par un commandement
militaire, envisageait d’introduire la sécurité privée dans le nouveau
dispositif au plus haut niveau de l’État. Benalla n’était donc pas un
accident mais la préfiguration d’un projet de privatisation rampante de
la sécurité de l’Élysée qui marquait, comme en ont témoigné les
syndicats de policiers, une défiance à l’égard des fonctionnaires, de
leur statut et de leur mission de service public, de leur code de
déontologie. Macron veut, à tous les étages de la République, des
services à sa main, et il veut tout simplement appliquer à l’Élysée ses
principes de destruction de l’appareil d’État public, avec les recettes
d’austérité et de privatisation qu’il entend infliger à toute la
société.
Deuxième enseignement, la gravité de la réaction de l’Élysée.
Celle-ci a bafoué tous les dispositifs de protection de la démocratie et
des règles publiques qui auraient dû être appliquées. L’Élysée a
cherché à étouffer l’affaire et à la mettre sous le tapis, en pleine
connaissance de ce qui s’était passé. Sans l’article du journal Le
Monde, tout aurait continué comme avant. Sans la réaction du Parlement,
qui a refusé de poursuivre l’examen du projet constitutionnel, celui-ci
aurait été adopté à l’Assemblée nationale cette semaine par une majorité
de godillots En Marche. Aujourd’hui, la stratégie d’étouffement a
explosé. Deux commissions d’enquête parlementaire, une instruction
judiciaire, et une enquête de l’IGPN sont en cours. Alors que fait le
Président de la République? Il déclenche l’arme lourde: celle de la
toute puissance présidentielle dans nos institutions. « Je suis le seul
responsable et comme je n’ai de compte à rendre à personne, fermez le
ban, et on reprendra la révision constitutionnelle quand je le déciderai
». Et il lâche cette formule incroyable, digne d’un forcené assiégé,
reclus dans son château: « qu’ils viennent me chercher! » En clair, le
Président dit qu’il s’assoit sur les procédures en cours, sur le
Parlement, et qu’il décidera seul des suites à donner à cette affaire.
Et c’est là que nous touchons au fond du problème démocratique posé à
notre pays par la dérive de tout le système vers la monarchie
présidentielle absolue, négation même d’une République digne de son ce
nom.
En déclarant, comme viennent de le faire successivement Édouard
Philippe et Emmanuel Macron, que le Président de la République n’a de
compte à rendre qu’au peuple directement, autrement dit qu’il ne relève
d’aucun contrôle démocratique entre deux élections présidentielles, ils
sacralisent le fait que le quinquennat devient ainsi une période de
pleins pouvoirs pour le Président de la République. Ils ont beau dire
que le gouvernement, lui, rend compte devant le Parlement, c’est une
duperie puisque tous les arbitrages relèvent désormais du Président de
la République. Et c’est le sens profond de la révision constitutionnelle
engagée: pousser à terme cette logique pour aboutir à une Présidence
encore augmentée et une démocratie encore diminuée. Et pour cela,
réduire d’un tiers le nombre de parlementaires ce qui les coupera
davantage du peuple et permettra au passage de liquider le pluralisme
politique des assemblées; réduire leur pouvoir d’amendement, leur
maîtrise de l’ordre du jour parlementaire au profit du gouvernement;
réduire le nombre, le rôle et la libre administration des collectivités
locales; réduire de moitié le nombre de membres du Conseil économique,
social et environnemental... On sait au service de quel projet Emmanuel
Macron veut ce régime de pleins pouvoirs: la liquidation de l’État
social pour le seul service des riches, du capital financier et du
marché. Cette société dangereuse, inégale et anti-démocratique, dans
laquelle l’injustice et l’autoritarisme marchent de pair, nous ne devons
pas l’accepter.
Tirer toutes les leçons de l’affaire Macron-Benalla, c’est donc
empêcher l’étouffement de cette affaire et soutenir jusqu’au bout la
manifestation de la vérité et la mise en œuvre des sanctions et des
mesures qu’elle rendra nécessaires. C’est notamment refuser la
privatisation en marche des missions de sécurité. C’est au delà
amplifier la bataille pour l’abandon du projet constitutionnel macronien
et empêcher la reprise des débats à la rentrée sur ces bases. C’est
engager dans le pays un débat national d’ampleur pour la désintoxication
présidentialiste du régime et la démocratisation profonde de la
République. Les communistes et leurs parlementaires prendront toutes les
initiatives nécessaires en ce sens.
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