Les sénateurs ont débattu, mercredi, de la pertinence et de l’origine de la dette, que le gouvernement brandit pour s’attaquer à la dépense publique.
La dette, la dette, la dette. Ce mot revient à chaque fois que le gouvernement défend ses choix budgétaires. « C’est un poison pour notre économie et une menace pour les générations futures ! » martèle le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire. La dette publique s’approche des 100 % du PIB et la charge des intérêts liés sera de 42 milliards d’euros en 2019, répète la majorité. Avec un objectif : mettre fin à « l’addiction » de la France pour la dépense publique, pointée comme principale cause du déficit. En plein examen par le Parlement du budget 2019 structuré autour de cette question, un débat dédié a été organisé mercredi au Sénat, à l’initiative des élus PCF.
1974, la dette française est de 14,5 % du PIB. 2017, elle est de 99,2 %
C’est le sénateur LaREM Didier Rambaud qui a assuré le service après-vente de la Macronie. Et il n’y est pas allé de main morte. « Cette dette publique correspond au montant que les Français souhaitent dépenser pour un certain niveau de services publics », accuse-t-il. Les coupables, ce sont donc les citoyens. Des irresponsables qui vivent au-dessus de leurs moyens, sans se soucier de marchés financiers qui n’attendent qu’une occasion pour augmenter les taux d’intérêt de la dette. L’heure serait donc à se serrer la ceinture ? C’est un tout autre point de vue que développent les élus PCF : le problème n’est pas celui de la dépense publique, c’est celui des recettes laminées par des années de fiscalité absurde dédiée aux plus riches et de fraude fiscale non combattue (100 milliards d’euros par an en France). Le problème est aussi celui de la pertinence du calcul de la dette. Pourquoi comparer un remboursement sur plusieurs années à un PIB annuel ? « Avec ce calcul, la dette d’un couple gagnant 32 000 euros par an et empruntant 200 000 euros sur vingt-cinq ans pour l’achat d’un appartement représente 625 % de ses revenus d’activité ! » lance Éric Bocquet. De quoi relativiser le montant du déficit, sans oublier qu’un État n’est pas un ménage : il est bien plus solide. Enfin, la nature de la dette publique a, bien sûr, été dénoncée. « En 1973, il fut décidé que l’État pourrait se financer sur les marchés financiers et non plus auprès de la Banque de France », raconte le sénateur du Nord. Le budget de la France n’a plus été équilibré depuis. « Le traité de Maastricht de 1992 a ensuite interdit à la BCE d’accorder découverts et crédits aux États de l’UE. En 1974, la dette française représentait 14,5 % du PIB. Fin 2017, elle avait atteint 99,2 % », poursuit-il. Selon son calcul, si l’État avait recouru à des emprunts auprès des ménages (10 000 milliards d’euros de patrimoine) ou des banques centrales à des taux d’intérêt réels de 2 %, « la dette publique serait aujourd’hui inférieure de 29 points du PIB actuel ».
À cela s’ajoutent une fiscalité inique et aggravante, donc, mais aussi des crises. « Ce sont les segments divers de l’endettement privé qui ont mené les économies occidentales à la crise financière », de l’éclatement de la bulle immobilière en 1992-1993 à la « thrombose des subprimes en 2008 ! » assène Pascal Savoldelli. Deux cas qui ont provoqué une récession, du chômage et une explosion… de la dette publique (de 71 % à 105 % du PIB en dix ans dans les pays développés). La France a mieux résisté que d’autres grâce à des services et une dépense publics créateurs d’activité et de croissance. L’exécutif préfère pourtant s’y attaquer, en plus de baisser l’impôt sur le revenu pour mieux augmenter les taxes qui pénalisent les plus modestes. Or l’endettement des ménages est passé de 53 % de leurs revenus disponibles en mars 2000 à 95 % en 2018. De quoi provoquer une nouvelle crise d’origine privée ? Et une belle occasion de s’attaquer aux finances publiques…
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