(Chronique à paraître dans l’Humanité-Dimanche du 4/10/2018)
Ces jours-ci sera annoncé le nom du lauréat
ou de la lauréate du Prix Nobel de la Paix 2018. L'an dernier, cette
éminente distinction fut décernée à la Coalition internationale pour
l'abolition des armes nucléaires (ICAN), mouvement dont la magnifique
campagne avait été à l'origine de l'adoption -historique !- d'un traité
d'interdiction de l'arme atomique par 122 Etats, à l'Assemblée générale
des Nations Unies. Le Comité Nobel s'honorerait à nouveau en attribuant
cette année son prestigieux Prix à "l'Aquarius" et à la très méritoire
association "SOS Méditerranée", qui affrète depuis 2016 ce bateau de
sauvetage grâce auquel plusieurs dizaines de milliers de vies humaines
ont pu être sauvées.
Un tel acte hautement symbolique serait
d'autant mieux venu que la décision du Panama, sous la pression du
gouvernement d'extrême-droite italien, de retirer son pavillon au navire
humanitaire, compromet gravement la poursuite de ses missions si aucun
pays ne se résout à l'immatriculer. Gageons que l'hommage du Prix Nobel
de la Paix donnerait à ces héros des temps modernes un poids décuplé
face aux Etats européens, aujourd'hui plus prompts à livrer les migrants
aux pseudo "gardes-côtes" -et vrais criminels- libyens qu'à aider à
organiser le secours à leurs victimes !
Plus généralement, un tel choix du Comité
Nobel allégerait la chape de plomb du discours anti-migrant -tantôt
ouvertement xénophobe, tantôt vicieusement ambigüe- qui s'abat depuis
des mois sur une opinion publique en plein désarroi. Il aiderait, par
exemple, cette majorité absolue de Françaises et de Français, troublés
par la campagne ambiante , mais qui conservent une bonne opinion des ONG
qui aident les migrants (1) , à reprendre confiance dans les valeurs
humaines et à s'engager plus hardiment dans l'action pour les faire
vivre au quotidien. "L'Aquarius est un symbole politique -note avec
perspicacité un observateur averti de la société française- (...) Il
rappelle d'autres bateaux célèbres, comme "l'Exodus", qui transporta en
1947 des juifs rescapés de la Shoah, ou encore "l'Ile de lumière",
navire affrété en 1979 pour secourir les boat people en mer de Chine"
(2). On pourrait ajouter le cas, odieux et tragique, du "Saint-Louis" ,
transportant 938 juifs fuyant l'Allemagne en 1939 à destination de
l'Amérique, où ils furent refoulés pour être finalement accueillis,
après une longue errance, en Hollande, en France et en Grande-Bretagne.
Un tiers de ces réfugiés finira dans les camps de la mort...
Vivement un sursaut ! Sinon, nos
descendants risquent de nous voir un jour avec le même regard incrédule
mêlé de honte que celui que nous portons aujourd'hui sur les "zoos
humains" exhibant jusqu'à la seconde guerre mondiale des hommes, des
femmes et des enfants "primitifs" ou "sauvages", arrachés à leur terre
africaine, sud-américaine ou australienne pour divertir les visiteurs
des pays "civilisés".
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