Journée
d’action. Salaires, réforme des retraites, assurance-chômage… Alors
que de nouvelles attaques sont à l’ordre du jour, le secrétaire général
de la CGT, Philippe Martinez, appelle avec sept autres organisations,
dont FO, les salariés mécontents à se solidariser. Entretien.
L’appel
à une journée de grève interprofessionnelle coïncide avec l’action
prévue initialement par les retraités sur le pouvoir d’achat, et
l’amélioration de celui-ci est en tête des attentes des Français
vis-à-vis du gouvernement. Est-ce aussi la préoccupation numéro un des
syndicats ?
Philippe Martinez Il est possible de parler de
pouvoir d’achat, mais la question pour la CGT est plutôt celle des
salaires, des pensions et des minima sociaux. On voit bien le tour de
passe-passe du gouvernement avec la suppression des cotisations chômage,
qui consiste à prendre d’un côté ce qu’il a donné de l’autre. C’est
pour cela que nous avons lancé une campagne sur la revalorisation du
salaire brut, le refus du basculement des cotisations sociales vers
l’impôt et une véritable égalité salariale entre les femmes et les
hommes. Il y a urgence.
Le gouvernement n’a pas reculé sur ses projets depuis le
début du quinquennat en dépit des différentes mobilisations. En quoi
l’appel à une nouvelle journée de grève interprofessionnelle peut-il
changer la donne aujourd’hui plus qu’hier ?
Philippe Martinez La capacité à se mobiliser ne se
mesure pas seulement au nombre de manifestants dans la rue. Depuis un an
et demi, la CGT est présente, elle existe, elle donne des arguments,
elle établit des propositions alternatives. Tout cela contribue à
alimenter la réflexion et à produire du débat. D’ailleurs, les cotes de
popularité du premier ministre et du président de la République montrent
qu’ils n’ont pas convaincu. Lors de mes nombreux déplacements, je
constate que les salariés sont motivés, mais aussi très en colère,
notamment dans la santé, dans la fonction publique territoriale… Les
journées interprofessionnelles doivent permettre de fédérer l’ensemble
de ces luttes. Ce sont des journées de solidarité pour éviter les
oppositions que génère le gouvernement.
Depuis 2016, la CGT et FO n’avaient plus appelé à des
journées d’action commune au plan interprofessionnel jusqu’au 28 juin
dernier. Cette nouvelle journée est-elle le signe du retour à une
convergence d’analyse des deux syndicats ?
Philippe Martinez Nous sommes nombreux à penser que
la politique du gouvernement ne convient pas du tout. Que proposent les
syndicats pour changer la donne ? C’est la question qui nous est posée.
Pour l’instant, nous avons des positions convergentes avec Force
ouvrière, comme avec d’autres organisations.
Après avoir tenu pour négligeable la concertation avec
les syndicats, le président de la République a indiqué, à la mi-juillet,
vouloir davantage les écouter. Trois mois plus tard, quel bilan
tirez-vous de cette intention proclamée ?
Philippe Martinez Cette déclaration a eu lieu juste
après l’euphorie de la Coupe du monde. Il avait peut-être la tête dans
les nuages, parce qu’à peine rentré de Moscou, le cap a de nouveau été
fixé. La feuille de route présentée à la rentrée par le premier ministre
aux syndicats a montré que rien n’avait changé. C’était une opération
de communication. En réalité, il n’y a toujours ni écoute, ni dialogue.
Ce qui se passe autour de l’assurance-chômage en est la preuve. En
somme, le gouvernement nous a écrit ce qu’il souhaite que nous
écrivions.
Dans ce cas, pourquoi se rendre à la réunion de négociation sur l’assurance-chômage ?
Philippe Martinez Nous y allons pour donner nos
propositions. Maintenant, si d’autres, par exemple le Medef, choisissent
de suivre la lettre de cadrage du gouvernement, nous ne participerons
plus à une pseudo-négociation déjà ficelée. Notre position est claire.
Comment expliquez-vous que les coups contre le modèle social redoublent d’intensité ?
Philippe Martinez Le président de la République a
une stratégie que certains qualifient d’ultralibérale. Il considère
ainsi que sa feuille de route est la bonne. Il est hors-sol. La vie
quotidienne des citoyens, le mécontentement qui s’exprime, il ne les
connaît pas. Emmanuel Macron est un « premier de cordée » et pour lui,
ceux qui ne le sont pas, qui sont en désaccord sont des imbéciles, des
feignants, ou des privilégiés…
Ce mercredi démarre la première concertation multilatérale sur la réforme des retraites. Comment l’abordez-vous ?
Philippe Martinez Notre système de protection
sociale est l’un des plus justes au monde. Puisqu’il est basé sur la
solidarité. Or, la retraite à points proposée par le gouvernement sous
couvert d’égalité est profondément inégalitaire étant donné que vous ne
cotisez que lorsque vous êtes en activité. Certes, les salariés pourront
partir à 62 ans, mais ceux qui n’ont pas les moyens de vivre
continueront à travailler pour accumuler les points. Finalement, ils
partiront à 65 ou 67 ans. Cela revient à passer de la carte Vitale à la
carte bleue. La CGT propose à l’opposé du gouvernement actuel de
sauvegarder le système par répartition en renforçant ses recettes.
L’équation est simple : plus de cotisants, moins de chômage et moins
d’allégements de cotisations pour les entreprises.
Entretien réalisé par Clotilde Mathieu
Force ouvrière « entre en résistance »
« Le 9 octobre, nous commençons à entrer en résistance pour défendre notre modèle social », a
lancé hier le secrétaire général de Force ouvrière, Pascal Pavageau,
sur France Inter. Le responsable syndical, qui appelle à la mobilisation
les salariés du public comme du privé, estime que les travailleurs
doivent « prendre conscience collectivement » que ce qui se joue est « la remise en cause, la destruction de notre modèle social ». Et Pascal Pavageau de dénoncer la « logique de déprotection et d’individualisation » à l’œuvre, tout comme le « refus de répartir la richesse produite par la modération salariale »…
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