La condamnation, fin septembre, d’une directrice et d’une infirmière, toutes deux d’anciennes salariées du groupe de crèches privées People & Baby, pour « violence sans incapacité sur mineur de 15 ans par une personne ayant autorité sur la victime » était un rappel des conditions de travail dans le groupe. « Ce n’est pas le procès de People and Baby mais de deux personnes physiques », rappelait alors Maître Alexandre Schmitzberger, l’avocat d’une famille dont l’enfant, âgé de deux ans, était revenu de la crèche avec des « griffures à la base du cou » et des « traces digitiformes laissant penser à une main d’adulte, sur le bras et le tronc ».
C’est maintenant au tour du groupe de crèches privées, dans son ensemble, d’être dans le viseur de la justice. Une enquête a été ouverte par le parquet de Paris, suite à une plainte de l’association Anticor, pour « des faits d’escroqueries au préjudice d’une personne publique ou d’un organisme chargé d’une mission de service public, de détournements de fonds publics, d’abus de biens sociaux, d’abus de confiance, de complicité de fraude fiscale, potentiellement imputable aux crèches People & Baby ». L’enquête a été confiée à la direction de la police judiciaire, le jeudi 14 novembre.
« Le point de départ de cette affaire, c’est le livre de Victor Castanet »
« Devant l’inertie des pouvoirs publics, il nous a paru nécessaire d’agir », a expliqué Paul Cassia, président d’Anticor, lors d’une conférence de presse organisée le mardi 12 novembre, où il a annoncé le dépôt de plainte. Le groupe People and Baby est au centre de l’attention depuis le 18 septembre, date de publication du dernier ouvrage en date du journaliste d’investigation Victor Castanet : Les Ogres (éditions Flammarion). Un livre-enquête dense où l’auteur démontre comment People & Baby n’a pas hésité à précariser la situation de ses salariés, mais aussi de mettre les enfants gardés en danger, par « voracité » et quête du profit financier.
« Le point de départ de cette affaire, c’est le livre de Victor Castanet sur la gestion d’une société qui gère des crèches privées », a expliqué Paul Cassia, pour justifier la plainte d’Anticor. L’avocat de l’association, Maître Vincent Brengarth, a quant à lui rappelé le contexte particulier qui entoure cette affaire : soit des crèches privées « qui bénéficient (…) d’aides publiques de l’État » et une « carence du nombre de places en crèche ».
La France compte 460 000 places d’accueil en collectif, dont 50 % au sein de crèches publiques, 27 % au sein de crèches privées – People & Baby, donc, mais aussi Les Petits Chaperons rouges ou Babilou – et 23 % au sein de crèches associatives. « L’ouverture au privé, elle se fait parce qu’il y a une défaillance des pouvoirs publics », fustigeait Victor Castanet dans un entretien pour la chaîne Twitch de l’Humanité, fin octobre.
L’instabilité du secteur, conjugué à la forte demande, a ainsi permis aux entreprises privées d’outrepasser leurs obligations et de privilégier leurs profits. Selon Anticor, le montant de l’argent détourné par People & Baby serait « de 2,1 millions d’euros a minima, un chiffrage qui ne concerne que la fraude à l’aide au chômage partiel ».
Le groupe de crèches privées réfutait déjà ces accusations en septembre, en réaction au tollé créé par Les Ogres : « les pratiques décrites dans l’ouvrage sont en total décalage avec les valeurs que nous portons aujourd’hui. » La nouvelle direction du groupe – le fondateur, Christophe Durieux, a été évincé de son poste de directeur au printemps dernier – affirmait avoir « entamé une transformation profonde » avec la nomination d’un nouveau dirigeant et promettait de corriger « sans délai » tout « dysfonctionnement qui pourrait être identifié ». Pas de quoi satisfaire la justice, comme le champ associatif, alors que de potentielles victimes demandent des comptes.
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