De gauche à droite : Aziz, Robert Seassau (Apardap), Pierre Michaud (Apardap), Emmanuel Omonlogo (CAAEI).
Le collectif Bouge ta préf 38 a invité la presse, mercredi 30 octobre, à Grenoble, pour alerter l’opinion publique face aux difficultés croissantes que rencontrent les étrangers dans l’accès aux services de la préfecture de l’Isère. Une situation aux conséquences souvent dramatiques.
Ils ont voulu tirer la sonnette d’alarme. À la tribune ce mercredi 30 octobre, cinq représentants des 51 associations qui constituent le collectif Bouge ta préf 38. Pierre Michaud (Apardap) plante d’abord le décor de la rencontre, en rappelant l’historique de la mobilisation contre les dysfonctionnements graves des services en charge de l’accueil des migrants.
Ayache (CGT sans-papiers) et Stéphane Dezalay (Cimade).
Celle-ci a débuté en mars 2024 lorsque le préfet de l’Isère a décidé qu’aucune entrée en préfecture ne serait acceptée sans rendez-vous préalable, pour les personnes étrangères effectuant une demande de papiers. En mai, le collectif « Bouge ta préf » a donc été créé en Isère (d’autres collectifs existent ailleurs), adressant une lettre ouverte au préfet, qui dénonçait notamment les « ruptures de droits et atteintes à la dignité des personnes ».
Fabrique de sans-papiers
La suppression de l’accueil physique et les rendez-vous quasi impossibles à prendre aboutissent en effet à la fabrique de sans-papiers. Après avoir lancé une pétition qui a recueilli 4 000 signatures, le collectif a mobilisé des militants en juin, afin d’effectuer le recensement des personnes étrangères qui se présentaient à la préfecture. Deux rassemblements ont par ailleurs été organisés en mai et juin devant la préfecture.
Le préfet indiquait à l’époque avoir reçu 12 000 demandeurs depuis janvier. Une estimation qui a évolué depuis. Dans un communiqué diffusé ce jeudi 31 octobre, les services préfectoraux évoquent ainsi « plus de 28 000 rendez-vous en préfecture et en sous-préfecture qui ont été attribués au cours des huit derniers mois. Depuis la rentrée, pour répondre à la demande, l’activité des services a été soutenue, ainsi pour les deux mois de septembre et octobre, 8 200 usagers ont été accueillis », ajoute la préfecture de l’Isère.
Aziz, migrant accueilli par l’Apardap.
La réalité demeure cependant peu reluisante. Selon le collectif, le nombre de dossiers en attente n’a jamais été aussi important. Ce qui peut occasionner des conséquences dramatiques. Plusieurs témoins dénoncent en outre le fait un système de détournement des demandes de rendez-vous sur internet, en vigueur dans le quartier Saint-Bruno. En cause, une organisation qui revendrait ces mêmes rendez-vous, moyennant un montant de 70 à 250 euros.
Perte de travail, salaires non versés
Sept à huit témoignages, plus édifiants et tragiques les uns que les autres, se sont ensuite succédé. Exemple avec H., Mexicain, chargé de recherche et en situation de handicap (malvoyant). N’obtenant pas de rendez-vous en préfecture, il a mobilisé une vingtaine d’amis pour tenter de l’obtenir par voie électronique.
« J’ai eu un rendez-vous en juin. L’administration m’a demandé plusieurs fois des papiers que j’avais déjà fournis. J’attends toujours mon titre de séjour. Il y a urgence car mon récépissé vient à terme en décembre », raconte-t-il. Au-delà, il aura un statut de clandestin. Pourtant, s’indigne le jeune Mexicain, « c’est l’État français qui est mon employeur. L’université m’annonce que si mon dossier n’est pas finalisé, le salaire ne pourra plus m’être versé dès janvier. »
H., chargé de recherche mexicain, est toujours dans l’attente de son titre de séjour.
X., Macédonien, intervient à son tour : « J’ai perdu mon travail depuis trois semaines, n’ayant pas reçu mon titre de séjour alors que mon dossier de renouvellement du titre de séjour est complet. »
Marie Thérèse Lloret (Collectif de soutien aux réfugiés politiques algériens) évoque quant à elle le cas dramatique d’un réfugié politique accueilli il y a douze ans en France. Il y a quatre ans, ce dernier a été embauché en CDI sur un poste de boulanger. Pourtant, déplore-t-elle, « les accords franco-algériens issus de 1962 ne sont pas respectés. En 2024, le dossier de l’intéressé est en instruction. En trente ans, je n’ai jamais vu cela », s’insurge la militante.
Une responsable du réseau RESF pointe les répercussions des dysfonctionnements de l’administration préfectorale dans l’Éducation nationale. Laquelle doit notamment gérer des situations indescriptibles d’enfants scolarisés à la rue.
Le collectif assure avoir formulé des propositions précises au préfet pour sortir de la situation de crise générée par l’encombrement de dossiers. Selon Bouge ta préf, l’Isère connaît une situation bien plus tendue que nombre de départements, (30 % des préfectures n’appliquent pas les directives Valls). Ils espèrent que le futur nouveau préfet améliorera la situation .
Aziz , accueilli par l’Apardap, conclut la rencontre par un appel à l’ensemble des acteurs. « Il est indispensable de nous unir, associations, travailleurs étrangers, étudiants étrangers », supplie le jeune homme. Au moment où se déroulait cette conférence de presse, on apprenait l’envoi par le ministre de l’Intérieur d’une circulaire aux préfets, en vue d’une « reprise de contrôle de l’immigration ».
Ces difficultés contribuent à créer de nouveaux travailleurs sans-papiers.
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