vendredi 4 mars 2011

Le discours de la peur

par Denis Sieffert
On a coutume de dire « petite cause, grands effets ». Nicolas Sarkozy vient de réinventer la formule en l’inversant : « Grande cause, petits effets ». Depuis deux mois, le monde arabe tout entier s’embrase, trois cents millions de femmes et d’hommes se lèvent pour exiger liberté et justice, souvent au péril de leur vie ; cinq, six, sept pays maintenant se lancent à l’assaut du pouvoir, et voilà que le président de la République française, enfin, prend la parole. Mais pour dire quoi ? Que Michèle Alliot-Marie, dite MAM, est remplacée au ministère des Affaires étrangères par Alain Juppé. Et quoi d’autre encore ? Que Claude Guéant succède à Brice Hortefeux à l’Intérieur.
Sans vouloir désobliger les promus, on conviendra tout de même que ce sont là de très petits effets en regard de ce qui se trame de l’autre côté de la Méditerranée. S’il avait au minimum pris la mesure des événements que nous vivons, Nicolas Sarkozy n’aurait peut-être pas mêlé cette dérisoire cuisine politicarde au séisme historique auquel nous assistons. Sur les sept malheureuses minutes de son allocution, il n’aurait pas osé consacrer la moitié de son temps à ce qui fait ordinairement l’objet d’un communiqué lu par un second couteau sur le perron de l’Élysée. D’autant plus que ce remaniement apparaissait comme du réchauffé, tant il avait déjà été annoncé et commenté dans la presse. Il traduit d’ailleurs moins l’autorité du chef de l’État que sa soumission au principe de réalité. Comment maintenir en place une ministre des Affaires étrangères qui était persona non grata dans presque tout le monde arabe, et un ministre de l’Intérieur condamné pour injure raciale ? Cette simple mise à jour valait-elle un discours précédé de « la Marseillaise » ? Et fallait-il présenter ces décisions dérisoires comme la réponse française aux révolutions arabes ? Grande cause, tout petits effets. Mais, pour autant, l’allocution présidentielle revêtait un certain intérêt.
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