Sociologue, chercheur au CNRS, Laurent Mucchielli est un spécialiste des questions de délinquance et de sécurité. Il vient de publier chez Fayard « L’invention de la violence » (octobre 2011, 340 p., 20 euros). Et décrypte pour l’Humanité les réactions politiques suscitées par l’affaire Agnès.
Comment jugez-vous les déclarations qui ont suivi la révélation du meurtre de la jeune Agnès, en Haute-Loire ?
Laurent Mucchielli. Il s’agit d’une récupération politique très classique. Plusieurs fois par an en effet, surviennent des faits divers qui dépassent les colonnes de la presse régionale et s’imposent dans l’actualité, avec un niveau d’audience médiatique très important. C’est là que le politique s’enclenche. C’est ce qui s’est passé lundi, mais cela avait déjà été le cas, en avril dernier, après un passage à tabac dans la gare RER de Noisy-le-Sec, ou encore, bien sûr, au début de l’année 2011, avec l’affaire Laëtitia, à Pornic. Et comme souvent en pareil cas, les annonces politiques qui suivent ces faits sont totalement déconnectées de la réalité.
C’est-à-dire ?
Laurent Mucchielli. On peut dresser une sorte de typologie de ces réactions, qui prennent trois formes principales. Il y a d’abord les déclarations de principe, comme celle de François Fillon lundi, qui a dit vouloir faire de la lutte contre la récidive « une priorité » - comme si ce n’était pas déjà le cas. Deuxième rhétorique : le discours sur les « dysfonctionnements » de la justice et, en l’espèce aussi, de l’Education nationale, tenu cette fois par Claude Guéant, au 20 Heures de TF1. Enfin, troisième type d’intervention : le discours décalé, la proposition avancée parce qu’il faut bien dire quelque chose, mais qui ne s’avère pas du tout pertinente. Sur ce terrain, se sont retrouvés lundi le ministre de la Justice, Michel Mercier, mais aussi le parti socialiste, qui ont proposé une utilisation accrue des centres éducatifs fermés. Or, ces centres ne répondent en rien à la problématique éventuellement soulevée par l’affaire Agnès. Ce sont des lieux de prise en charge, foncièrement éducatifs, qui visent à raccrocher des jeunes délinquants (poursuivis pour des vols ou des dégradations, par exemple) à la socialisation scolaire. Là, on n’est pas du tout dans ce contexte. Il s’agit d’une affaire criminelle rarissime, à forte dimension psychiatrique. Des cas comme celui du Chambon-sur-Lignon - de viol et meurtre d’un mineur sur un autre mineur -, il en existe entre 0 et 1 par an. C’est tout à fait exceptionnel.
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