Non-lieu, non personnes
Par Eric Fassin
« Bateau abandonné à la mort » : 63 migrants africains morts de faim et de soif en Méditerranée. Pendant deux semaines, aucun des navires de l’OTAN qui croisent dans les parages ne répond aux signaux de détresse. « Non-assistance à personne en danger » ? Pour la justice française, non-lieu. C’est donc qu’il s’agissait de non-personnes.
Le 27 mars 2011, 72 Africains (dont 20 femmes et 2 bébés) quittent Tripoli pour Lampedusa avec des vivres pour une traversée de 18 heures ; mais l’embarcation tombe en panne et dérive pendant 14 jours. Le 10 avril, une tempête finit par rejeter le Zodiac sur une plage de Libye où les 11 survivants sont incarcérés ; 2 d’entre eux décèdent encore, l’une au moment de débarquer, un autre en prison. 63 personnes sont ainsi mortes de faim et de soif.
Pareille tragédie est banale : depuis 20 ans, 20 000 migrants ont péri en Méditerranée. Mais cette fois, avec le soutien d’associations (Migreurop, FIDH, LDH et Gisti), deux survivants ont porté plainte pour « non-assistance à personne en danger » – en France, mais aussi en Italie, en Espagne et en Belgique. En effet, en raison de la guerre civile libyenne, 38 bâtiments de guerre, dont plusieurs français, croisaient dans les parages dans le cadre de l’opération militaire de l’OTAN baptisée « Unified Protector » (sic).Dès le 27 mars, l’embarcation est photographiée par un avion de patrouille français qui transmet l’information, avec sa localisation précise, au Centre italien de sauvetage maritime. De leur côté, les passagers contactent par téléphone un prêtre érythréen à Rome, qui prévient aussi les autorités maritimes italiennes. L’après-midi, celles-ci alertent le Quartier général du commandement des forces maritimes alliées et envoient un signal de détresse à tous les navires se trouvant dans la zone ; ces appels seront renouvelés toutes les 4 heures pendant 10 jours.
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