Par André Kuhn, professeur de criminologie et de droit pénal
aux Universités de Lausanne, de Neuchâtel et de Genève
La présente réflexion tente de montrer de manière simple
combien l’usage de statistiques bivariées peut être trompeur, allant jusqu’à
faire croire que la couleur d’un passeport pourrait avoir une influence sur la
criminalité, alors qu’il n’en est rien.
Le lecteur de la présente contribution sait probablement que
les adultes de plus de 175 centimètres commettent davantage d’infractions
pénales que ceux de moins de 175 centimètres… Il s’agit là d’une évidence
criminologique et la raison en est très simple : la population adulte de plus
de 175 centimètres est principalement formée d’hommes, alors que les femmes
sont largement surreprésentées parmi les adultes de moins de 175 centimètres.
Sachant par ailleurs que les hommes sont davantage impliqués dans le phénomène
criminel que les femmes, il est logique que les adultes les plus grands
commettent la plus grande partie des infractions pénales. Néanmoins, chacun
comprendra aisément que cette surreprésentation des grands dans la statistique
criminelle n’a évidemment rien à voir avec la taille des personnes, mais bien
avec leur sexe. Personne ne prônera donc une action sur l’hormone de croissance
ou le coupage de jambes comme politique de prévention de la criminalité…
Mais si ce raisonnement est tellement évident, alors
pourquoi bon nombre de personnes ne sont-elles pas en mesure de le reproduire
en matière d’implication des étrangers dans la criminalité ?
Comme pour les adultes de plus de 175 centimètres, il est
très simple de démontrer que les étrangers sont surreprésentés dans le
phénomène criminel. Ces derniers représentent en effet un peu plus de 20% de la
population de Suisse, mais quelque 50% des condamnés par les tribunaux
suisses[1]. Mais, de la même manière que pour les adultes de plus de 175
centimètres, il est aussi relativement simple de démontrer que ce sont d’autres
éléments que la nationalité qui influencent la criminalité.
Sachant que la surreprésentation des immigrants dans la
criminalité est un phénomène universel – qui s’observe donc dans tous les Etats
–, il paraît évident qu’il ne peut pas s’agir d’un simple problème de couleur
de passeport !Mais quelles sont alors les variables déterminantes dans
l’explication du phénomène criminel ? Comme il a été mentionné en introduction,
l’une des principales variables explicative est le sexe. En effet, pour une
distribution hommes/femmes d’environ moitié-moitié dans la population, il y a
en Suisse quelque 85% d’hommes dans la statistique de condamnations pour
seulement 15% de femmes.
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