Promoteur
de la taxe Tobin il y a vingt ans, Attac est désormais en pointe contre
l’évasion fiscale et a fédéré 60 organisations lors de la récente Marée
populaire contre Macron.
Attac était à l’origine de la Marée populaire du 26 mai. L’association s’occupait-elle de ces sujets il y a vingt ans ?
Dominique Plihon Attac a été créée en 1998 en
réaction à la crise financière internationale, qui à l’époque touchait
particulièrement les pays émergents en Asie et en Amérique du Sud. Le
FMI et les États-Unis y avaient imposé une libéralisation dramatique et
des privatisations massives. Ces pays se sont retrouvés en proie à la
finance internationale, avec comme conséquences la corruption,
l’explosion des inégalités…
L’acte fondateur d’Attac fut un article d’Ignacio Ramonet
dans le Monde diplomatique appelant les citoyens du monde à se révolter
contre la spéculation financière et à mettre en place la taxe Tobin.
D’où le nom premier d’Attac : Association pour la taxation des
transactions financières et pour l’aide aux citoyens. On se définit
toujours comme un mouvement altermondialiste, porteur d’une critique
radicale de la mondialisation néolibérale.
Les deux lettres de fin d’« Attac » ne sont plus « aide
aux citoyens » mais « action citoyenne ». Est-ce que votre démarche a
changé ?
Dominique Plihon Nous avons élargi les domaines
dans lesquels Attac intervient. Bien évidemment, on est toujours
préoccupé par la finance, aujourd’hui incarnée par l’évasion fiscale. On
veut démontrer que toutes les menaces contemporaines, des traités de
libre-échange au climat par exemple, sont déterminées par la finance, à
la recherche de rendement à court terme. De la même manière, si on pense
que les traditionnels tracts et manifestations restent importants, ils
ne suffisent plus. Nous faisons désormais des actions dites de
désobéissance civile. On organise des fauchages de chaises dans des
banques pour les porter aux centres des impôts, pour dénoncer l’évasion
fiscale. Ces derniers temps, on s’est aussi concentré sur Apple, l’une
des multinationales symptomatiques des pires dérives de la finance. On a
occupé des magasins et organisé des actions festives. Apple nous a
attaqués, mais le juge a reconnu que nous agissions sans violence et
dans l’intérêt général.
Et cette fonction de catalyseur du mouvement social que vous avez tenue ce 26 mai, allez-vous la développer ?
Dominique Plihon La Marée populaire s’est faite à
l’initiative d’Attac et de la Fondation Copernic. Elle s’est ensuite
élargie à une soixantaine d’autres associations, syndicats et partis
politiques, mais toujours de manière horizontale. On veut mutualiser,
créer une coopération entre les organisations mais pas devenir leader.
C’est pourquoi cette Marée populaire a été très décentralisée. Notre
opposition à la finance et au capitalisme néolibéral permet de fédérer
de nombreuses luttes, qu’elles soient sociales, économiques,
environnementales ou en faveur des réfugiés… C’est ainsi qu’on entend
créer un vrai rapport de forces. On veut consolider ce mouvement du 26
mai. Il y aura certainement des prolongements. On n’exclut pas non plus
d’autres formes de contestation dans les prochains mois.
Ce rôle de pivot entre les organisations se retrouve-t-il dans la structure d’Attac ?
Dominique Plihon Oui, dès l’origine, Attac a été
pensée pour être davantage qu’une association classique. Le collège des
fondateurs est ainsi composé de médias, de syndicats et d’associations
et représente un tiers du conseil d’administration. On a aussi un
conseil scientifique, dont j’ai été longtemps le président, dont le but
est de produire des alternatives crédibles à la doxa dominante. Et il y a
aussi la centaine de comités locaux. Tout cela crée la richesse
d’Attac. En 2006-2007, certains ont voulu transformer l’association en
parti politique. La majorité a dit qu’au contraire il fallait devenir un
contre-pouvoir. D’autant plus que la contestation a lieu aussi à
l’extrême droite. Et il faut se battre à la fois contre le
néolibéralisme traditionnel et la consolidation du pouvoir des classes
dominantes. Mais il y a aussi la montée des populismes xénophobes, à
l’opposé de nos valeurs internationalistes.
Dominique Plihon
Porte-parole d’Attac et économiste atterré
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