dimanche 3 juin 2018

Altermondialisme. « Attac veut consolider le mouvement du 26 mai »

Promoteur de la taxe Tobin il y a vingt ans, Attac est désormais en pointe contre l’évasion fiscale et a fédéré 60 organisations lors de la récente Marée populaire contre Macron.
Attac était à l’origine de la Marée populaire du 26 mai. L’association s’occupait-elle de ces sujets il y a vingt ans ?
Dominique Plihon Attac a été créée en 1998 en réaction à la crise financière internationale, qui à l’époque touchait particulièrement les pays émergents en Asie et en Amérique du Sud. Le FMI et les États-Unis y avaient imposé une libéralisation dramatique et des privatisations massives. Ces pays se sont retrouvés en proie à la finance internationale, avec comme conséquences la corruption, l’explosion des inégalités…
L’acte fondateur d’Attac fut un article d’Ignacio Ramonet dans le Monde diplomatique appelant les citoyens du monde à se révolter contre la spéculation financière et à mettre en place la taxe Tobin. D’où le nom premier d’Attac : Association pour la taxation des transactions financières et pour l’aide aux citoyens. On se définit toujours comme un mouvement altermondialiste, porteur d’une critique radicale de la mondialisation néolibérale.
Les deux lettres de fin d’« Attac » ne sont plus « aide aux citoyens » mais « action citoyenne ». Est-ce que votre démarche a changé ?
Dominique Plihon Nous avons élargi les domaines dans lesquels Attac intervient. Bien évidemment, on est toujours préoccupé par la finance, aujourd’hui incarnée par l’évasion fiscale. On veut démontrer que toutes les menaces contemporaines, des traités de libre-échange au climat par exemple, sont déterminées par la finance, à la recherche de rendement à court terme. De la même manière, si on pense que les traditionnels tracts et manifestations restent importants, ils ne suffisent plus. Nous faisons désormais des actions dites de désobéissance civile. On organise des fauchages de chaises dans des banques pour les porter aux centres des impôts, pour dénoncer l’évasion fiscale. Ces derniers temps, on s’est aussi concentré sur Apple, l’une des multinationales symptomatiques des pires dérives de la finance. On a occupé des magasins et organisé des actions festives. Apple nous a attaqués, mais le juge a reconnu que nous agissions sans violence et dans l’intérêt général.
Et cette fonction de catalyseur du mouvement social que vous avez tenue ce 26 mai, allez-vous la développer ?
Dominique Plihon La Marée populaire s’est faite à l’initiative d’Attac et de la Fondation Copernic. Elle s’est ensuite élargie à une soixantaine d’autres associations, syndicats et partis politiques, mais toujours de manière horizontale. On veut mutualiser, créer une coopération entre les organisations mais pas devenir leader. C’est pourquoi cette Marée populaire a été très décentralisée. Notre opposition à la finance et au capitalisme néolibéral permet de fédérer de nombreuses luttes, qu’elles soient sociales, économiques, environnementales ou en faveur des réfugiés… C’est ainsi qu’on entend créer un vrai rapport de forces. On veut consolider ce mouvement du 26 mai. Il y aura certainement des prolongements. On n’exclut pas non plus d’autres formes de contestation dans les prochains mois.
Ce rôle de pivot entre les organisations se retrouve-t-il dans la structure d’Attac ?
Dominique Plihon Oui, dès l’origine, Attac a été pensée pour être davantage qu’une association classique. Le collège des fondateurs est ainsi composé de médias, de syndicats et d’associations et représente un tiers du conseil d’administration. On a aussi un conseil scientifique, dont j’ai été longtemps le président, dont le but est de produire des alternatives crédibles à la doxa dominante. Et il y a aussi la centaine de comités locaux. Tout cela crée la richesse d’Attac. En 2006-2007, certains ont voulu transformer l’association en parti politique. La majorité a dit qu’au contraire il fallait devenir un contre-pouvoir. D’autant plus que la contestation a lieu aussi à l’extrême droite. Et il faut se battre à la fois contre le néolibéralisme traditionnel et la consolidation du pouvoir des classes dominantes. Mais il y a aussi la montée des populismes xénophobes, à l’opposé de nos valeurs internationalistes.
Dominique Plihon
Porte-parole d’Attac et économiste atterré

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