vendredi 1 juin 2018

Accueillir Netanyahou, le boucher de Gaza, serait une honte

Recevoir le premier ministre israélien le 5 juin à Paris serait une acceptation des crimes de guerre contre les manifestants de Gaza. La saison France-Israël doit être annulée, estiment des dizaines de personnalités.
C’est un pays, Israël, qui possède l’une des armées les plus puissantes de sa région. Depuis plusieurs semaines maintenant, ses soldats sont postés aux abords d’une enclave où la densité de population est l’une des plus importantes au monde. Les manifestations qui s’y déroulent, populaires et pacifiques, visent d’abord à revendiquer le droit au retour pour des populations déracinées depuis des décennies. Dans ce territoire, qui compte plus d’un million d’habitants, beaucoup sont encore des réfugiés, vivent dans la précarité et dans le souvenir, transmis de génération en génération, des maisons abandonnées à la va-vite, aujourd’hui détruites par un occupant qui, à force de parcs forestiers, veut faire disparaître leur mémoire. Ces gens manifestent aussi pour dénoncer le blocus qui est leur imposé depuis onze ans. Inhumain et terrible. Ils viennent également crier une forme de désespoir parce qu’ils se sentent abandonnés par le reste du monde. Parce que les déclarations, aussi belles soient-elles, n’ont rien changé à leur quotidien. Un quotidien fait de morts, d’angoisse, de mal-vie. Mais jamais de renoncement. À travers ce drame humain, la dignité reste. Toujours renforcée par une volonté de vivre. D’exister.
Ce sont les Palestiniens. De Cisjordanie ou de Gaza. Mais c’est à Gaza que se déchaîne en ce moment toute la violence d’une armée d’occupation. L’occupation d’Israël sur les territoires palestiniens. Comme le déclarait à l’Humanité l’ancienne représentante de la Palestine d’abord en France puis auprès de l’Union européenne Leila Shahid (voir notre édition du 22 mai), il s’agit, depuis soixante-dix ans, de la « dépossession » des Palestiniens. Une dépossession qui, ces derniers jours, a trouvé un point d’orgue. Des dizaines de milliers de Palestiniens manifestent chaque semaine sur leur propre territoire, amputé de « zones tampons » dessinées par Tel-Aviv. Quand ils s’en approchent, ils sont fauchés par les snipers israéliens courageusement cachés au sommet de dunes et qui font un carton sur ceux qui leur semblent intéressants : des porteurs de drapeaux palestiniens, des secouristes ou des journalistes, pourtant aisément reconnaissables, des femmes et des enfants. Un homme bien connu parce qu’avec sa carriole il vendait des boissons sur les lieux du rassemblement a été tué. Peu auparavant, un autre Palestinien qui circulait en chaise roulante après avoir été amputé de ses deux jambes suite à ses blessures a été lui aussi victime des tirs israéliens.

Condamnations européennes

Hormis les États-Unis, soutien indéfectible d’Israël, aucun pays dans le monde ne trouve le moyen d’exprimer la moindre excuse au premier ministre Benyamin Netanyahou, à la tête d’un gouvernement essentiellement composé de colons et de dirigeants d’extrême droite. Tout au plus la plupart des pays européens ont cherché à renvoyer dos à dos les protagonistes, parlant « d’affrontements », de « violences » dont devraient s’abstenir les deux parties. Pourtant, l’émotion qui a saisi le monde entier devant les images n’a pas laissé le moindre doute sur les violations israéliennes des droits de l’homme, cette volonté de tuer pour tuer.
Pour la première fois depuis longtemps, et malgré les tentatives israéliennes, les peuples du monde n’ont pas accepté les fausses explications des dirigeants israéliens, qui, comme toujours, prônent la légitime défense. Tout le monde a pu voir des manifestants désarmés tomber, morts ou blessés, sous les balles explosives. Depuis des semaines, les témoignages se multiplient, allant tous dans le même sens. Et que dire de cette journée du 14 mai, date de l’inauguration de l’ambassade des États-Unis, qui venaient, contre toutes les résolutions internationales, de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël ? Les manifestations se sont multipliées : 60 morts, des centaines et des centaines de blessés. Depuis ce jour, la question palestinienne est de nouveau à la une des journaux – « le New York Times comme le Washington Post ont privilégié une photo de Gaza en ouverture, plutôt que celle de la cérémonie d’inauguration de l’ambassade avec la fille et le gendre du président… », écrit même le site du magazine français l’Obs.

Plaintes pour crimes de guerre

Des habitants de Gaza, soutenus par l’Autorité palestinienne (AP), ont enfin déposé des dossiers devant la Cour pénale internationale (CPI). Le crime est enfin évoqué. Pas un crime simple. Non, un crime de guerre. Israël, qui bafoue toutes les lois internationales depuis des décennies, va-t-il enfin répondre de ses actes devant une juridiction internationale ? Des dizaines de milliers de personnes à travers le monde l’espèrent. Pas, contrairement à ce que voudrait faire croire une certaine propagande en France relayée au plus haut niveau de l’État, par antisémitisme. De nombreux Français juifs dénoncent eux-mêmes la politique meurtrière et sans avenir de Netanyahou.
La semaine dernière, le premier ministre français, Édouard Philippe, a annulé son déplacement à Jérusalem pour l’inauguration de la saison croisée Israël-France/France-Israël. Si tout le monde comprend le pourquoi de l’annulation, l’explication donnée a manqué de courage politique puisque officiellement il était question de problèmes intérieurs français. Or, le 5 juin, Benyamin Netanyahou doit officiellement rejoindre Emmanuel Macron au Grand Palais, à Paris, pour cette inauguration. Là encore, une pétition enjoint le président français d’y renoncer et d’annoncer l’annulation de cette saison France-Israël. Ce serait recevoir au pays de la Déclaration des droits de l’homme un homme passible de l’accusation de crimes de guerre. Ce serait faire l’apologie, au moment même où un peuple se fait massacrer et ne recouvre pas ses droits, d’un État sans frontières internationalement reconnues dont les principaux logos sont l’occupation et la colonisation.
L’incapacité des autorités françaises à faire respecter le droit international dès lors qu’il s’agit d’Israël devrait très certainement renforcer la campagne Boycott, désinvestissement, sanctions (BDS), arme pacifique (si l’on accepte cet oxymore) à même de faire plier Tel-Aviv : le boycott des produits israéliens et ceux des colonies par les citoyens ; le désinvestissement que les sociétés françaises doivent opérer sous peine de se retrouver complices de crimes de guerre ou contre l’humanité ; des sanctions, enfin, que la France et les États européens doivent voter – à commencer par la suspension des accords entre l’UE et Israël – jusqu’au respect des résolutions de l’ONU et du droit international. Et puis, Emmanuel Macron pourrait, comme le demande le Parlement, reconnaître l’État de Palestine. Un geste qui serait sans ambiguïté pour la paix au Proche-Orient.

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