L’ouverture
à la concurrence du marché de l’énergie promettait de meilleures offres
pour les particuliers. Onze ans après, les consommateurs doutent, les
salariés de l’énergie s’alarment de la casse de leur métier et les
opérateurs privés se bousculent pour se partager les morceaux d’EDF et
d’Engie.
Permettre
aux usagers de choisir entre le producteur-fournisseur historique
qu’était EDF-GDF et de nouveaux prestataires dits alternatifs : telle
était l’ambition affichée en 2007, à l’heure de finaliser l’ouverture du
marché de l’énergie à la concurrence. À la clé, la promesse faite aux
particuliers de profiter d’offres plus avantageuses. Le fait est,
surtout, que le « budget énergie » de ces derniers intéressait plus d’un
opérateur. Onze ans après la consécration de la vente à la découpe
d’EDF et de GDF, les repreneurs sont légion à se partager les morceaux.
Tour d’horizon.
1 Des concurrents, mais combien ?
Côté producteurs, EDF et Engie (ex-GDF-Suez) restent les
leaders du gaz et de l’électricité. L’allemand E.ON se place
immédiatement en troisième position, entre autres grâce à l’acquisition,
en 2008, de la Société nationale d’électricité et de thermique (Snet). À
eux trois, ces groupes assurent 95 % de la production énergétique
française. Les 5 % restants se disputent le gâteau des énergies
renouvelables – Total et le canadien Boralex sur l’éolien, le groupe
Neoen sur le solaire ou encore Unite sur l’hydraulique comptent parmi
les principaux acteurs. Alors que l’on annonce la mise en vente de 150
barrages hydrauliques français, d’autres sont à l’affût, parmi lesquels
l’allemand Vattenfall, l’espagnol Iberdrola, ou encore le norvégien
Statkraft.
Mais l’ouverture à la concurrence est surtout visible du
côté des fournisseurs, c’est-à-dire des entreprises qui achètent
l’énergie en gros afin de la revendre au détail aux particuliers. Elles
sont près d’une trentaine à se disputer les faveurs des consommateurs.
Là encore, EDF (publique à 84 %) et Engie (privée à 75 %), seules à
pouvoir proposer des tarifs réglementés, continue de dominer le secteur.
Cela dit, elles-mêmes ont mué en entreprises alternatives, EDF se
mêlant désormais de fournir du gaz, Engie de l’électricité.
Leur première concurrente n’est autre que Total. Le
pétrolier français aura mis moins de trois ans à se hisser sur le
podium, en rachetant le producteur belge Lampiris, en créant sa propre
offre d’électricité verte, baptisée Total Spring, puis en mettant la
main sur le fournisseur Direct énergie, détenteur de plus de 5 % des
parts du marché de l’électricité. Tous les autres fournisseurs en
détiennent quant à eux moins de 1 % (moins de 0,4 % en ce qui concerne
le gaz).
2 De la rentabilité, mais pour qui ?
Bas tarifs, offres concurrentielles… si certains
opérateurs privés parviennent à proposer des prix avantageux, ce n’est
pas que leur énergie coûte moins cher que les autres, mais qu’ils
profitent d’un cadre construit à la mesure de leurs ambitions. Créé en
2010 dans le cadre de la loi Nome, l’accès régulé à l’électricité
nucléaire historique impose ainsi à EDF de revendre à prix réglementés
un quart de sa production électrique d’origine nucléaire à ses
concurrents, et ce afin de « compenser son avantage compétitif ». Pour
le reste, les principaux fournisseurs s’approvisionnent sur les marchés
spots européens, lesquels proposent des achats immédiats à prix très
volatils. Ils revendiquent également des structures allégées – centre
d’appels et présence renforcée sur Internet plutôt que boutiques
physiques.
Leurs clients ne sont pas toujours gagnants pour autant.
En avril dernier, l’association de consommateurs CLCV assignait ainsi en
justice Cdiscount (Casino), Total Spring et Engie pour pratiques
commerciales trompeuses. Plus globalement, le prix de l’électricité
s’affiche en augmentation constante depuis 2007.
3 De l’énergie verte, mais jusqu’où ?
Objectifs de transition aidant, beaucoup de fournisseurs
mettent en avant des offres d’énergie renouvelable. C’est le cas de
Direct énergie et de Total Spring, lesquelles proposent des offres 100 %
vertes. Reste à les nuancer. Injectée dans le réseau, l’électricité
renouvelable se mélange à l’électricité classique, et s’avère donc
impossible à tracer.
Au final, l’offre d’électricité verte fonctionne sur un
principe d’équivalence, obligeant le fournisseur à garantir qu’une
quantité équivalente d’électricité a été produite quelque part en Europe
à partir d’un moyen de production d’électricité renouvelable (éolien,
hydraulique, etc.). Beaucoup d’entre eux, en outre, n’hésitent pas à
manger à tous les râteliers, proposant des offres vertes sous une marque
et d’autres plus conventionnelles sous d’autres – c’est le cas de
Casino, qui accole son nom à sa filiale Greenyellow, 100 % verte, tout
en proposant, bien plus anonymement, une électricité low cost des plus
classique via sa filiale Cdiscount. Certaines, enfin, défendent le gaz
comme énergie complémentaire aux énergies solaire ou éolienne – Direct
énergie a ainsi récemment investi dans deux centrales combiné gaz. Un
gaz qui n’en reste pas moins une énergie fossile, avec tout ce que cela
induit pour le réchauffement climatique.
Les énergéticiens occupent leurs lieux de travail et battent le pavé
La mobilisation croît et la mayonnaise prend. « J’ai
vingt ans de boîte, c’est la première fois que je vois un mouvement
ascendant en plein mois de juin, porteur en plus d’un vrai message de
fond », assure Cédric Liechti, de la CGT énergie Paris. Depuis
avril, la FNME CGT se mobilise. Pour un service public de l’énergie, en
soutien aux cheminots, contre la fermeture des derniers points d’accueil
au public d’EDF… Ce 26 juin était dédié à l’avenir du gaz en France.
Demain, les énergéticiens répondront, dans la rue comme sur leurs lieux
de travail, à l’appel interprofessionnel de la CGT, de FO et des
organisations de jeunesse.
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