Les
ordonnances concernent la réalisation de l’ouv erture à la concurrence
et la question épineuse de la gestion des gares. Régis Duvignau/Reuters
Alors
que le Sénat a entériné jeudi le pacte ferroviaire, l’intersyndicale
appelle les cheminots à poursuivre la grève. Ils entendent peser face au
patronat de la branche sur la rédaction de la convention collective et
face à la direction SNCF sur l’accord d’entreprise.
Le
gouvernement et ses relais parlementaires le répètent à l’envi : la loi
est votée, la réforme va s’appliquer, la grève doit s’arrêter. Mais
face aux incantations de l’exécutif, les syndicats conservent la
constance des arguments de fond. Ainsi mercredi, au sortir d’une réunion
intersyndicale, les quatre organisations représentatives à la SNCF à
l’origine, dans l’unité et depuis le 22 mars dernier, du plus long
conflit de l’histoire récente de l’entreprise publique, ont une nouvelle
fois appelé l’ensemble des cheminots « à maintenir la pression sur les
prochaines séquences de grève », avec, en point d’orgue, « une grosse
journée d’action » le 28 juin (dernier jour de grève du calendrier
prédéfini au printemps).
Mais rien, pour l’heure, ne permet de dire que la grève ne
perdurera pas au-delà de cette date. La CGT, syndicat majoritaire, a
d’ailleurs déjà évoqué une poursuite de la mobilisation. SUD rail
également. « Nous ne nous faisons pas d’illusions sur une mobilisation
continue durant l’été, mais nous appellerons à des actions précises et à
des grèves à certaines dates clés », note érik Meyer, secrétaire
fédéral de SUD rail. Face à un gouvernement qui « joue le jeu
irresponsable du pourrissement », dénonce Laurent Brun, secrétaire
général de la CGT cheminots, les syndicats ne comptent donc pas baisser
la garde. Et ce malgré l’adoption définitive de la réforme par le
Parlement jeudi, avec l’approbation du Sénat, par 245 voix pour et
83 contre, du texte de compromis de la commission mixte paritaire issue
des deux assemblées. Un acte qui parachève le marathon parlementaire du
projet gouvernemental, après le vote similaire des députés, la veille.
« 80 % du projet de loi restent à écrire »
La combativité des syndicats est renforcée par les
résultats de la Vot’action, soigneusement éludée dans les discours de la
direction et du gouvernement, mais à l’occasion de laquelle 95 % des
cheminots se sont déclarés opposés au pacte ferroviaire porté par le
gouvernement et la direction de la SNCF. « Comment, dès lors, imposer à
des cheminots qui la contestent la mise en œuvre de cette réforme ? »
interrogeait Laurent Brun il y a quelques jours. D’autant qu’avec la
méthode des ordonnances choisie par le gouvernement et qui a très
largement participé à crisper le dialogue, « 80 % du projet de loi reste
à écrire », précise Jocelyn Portalier, secrétaire fédéral de la CGT
cheminots. Loin d’être cantonnées aux simples « aspects techniques de la
réforme », comme voudrait le faire croire Élisabeth Borne, ministre des
Transports, ces ordonnances concernent la réalisation de l’ouverture à
la concurrence (notamment tout le volet sur le transfert du matériel
roulant), la négociation collective, les contrats de performance, le
tarif des péages ferroviaires et l’organisation interne de la SNCF, avec
en particulier la question épineuse de la gestion des gares. Des
ordonnances auxquelles s’ajoutent « neuf décrets d’application » accolés
à la loi et devant préciser, entre autres, le « statut des sociétés par
action, le mode de calcul des salariés transférés (en cas de reprise
d’une ligne par une entreprise privée – NDLR) » ou encore « les
conditions de maintien des droits à la retraite en cas de transfert » et
la politique de tarification sociale, rappelle la CGT.
Une nouvelle phase de la bataille des cheminots
Des sujets de fond que les syndicats comptent bien poser
sur la table de la réunion tripartite de vendredi. Arrachée à Édouard
Philippe par la mobilisation, cette rencontre qui réunit, sous l’égide
du ministère, les syndicats et le patronat de la branche ferroviaire,
marque la nouvelle phase de la bataille des cheminots. Entamées en 2014
après que la loi du 4 août a créé une branche ferroviaire qui n’existait
pas jusque-là, les négociations de la convention collective doivent se
poursuivre sur au moins dix-huit mois. L’enjeu est de taille. Car
l’abandon du recrutement de cheminots au statut à compter du 1er janvier
2020 – désormais inscrit dans la loi – concentre le socle des droits
sociaux de tous les cheminots (du privé comme de l’entreprise publique)
dans le cadre de la branche. Et pour les syndicats, pas question de
laisser le gouvernement tenir en la matière un rôle de simple
observateur. « L’État doit prendre ses responsabilités », martèle la
CGT. « Il faut qu’on sorte (de cette réunion tripartite) avec une note
d’intention du ministère des Transports (…) sur une volonté de créer une
convention collective attractive et de haut niveau », a pour sa part
déclaré Roger Dillenseger, secrétaire général de l’Unsa ferroviaire.
Quant à la CFDT cheminots, son secrétaire général Didier Aubert l’a
rappelé cette semaine, « la fin des recrutements au statut doit être
transformée en garanties sociales de haut niveau pour toute la
branche ». L’engagement d’« une extension des droits à l’ensemble des
salariés de la branche », poursuit le syndicaliste, demeurant une
condition sine qua non « pour entrevoir le début de l’issue du
conflit ».
Continuer de combattre la réforme en agissant sur les
décrets d’application et le contenu des ordonnances, ouvrir de
véritables négociations au niveau de la branche et peser en interne sur
l’élaboration de l’accord d’entreprise : pour les cheminots, la bataille
se mène plus que jamais sur tous les fronts. « Ce gouvernement est l’un
des plus durs que nous avons connu ces dernières années », constate la
CGT. Et parce que « les slogans ne suffisent pas, poursuit le syndicat,
nous devons maintenir la pression sans faillir ».
La maintenance sabordée au nom de la concurrence
Une fois la SNCF ouverte à la concurrence, que deviennent
les trains et les ateliers de maintenance ? Loin d’être anecdotique,
cette question a fait l’objet d’un « deal entre sénateurs de droite et gouvernement » et « a été tranchée par le dogme libéral »,
s’insurge la CGT. Ainsi, la réforme prévoit la transformation de la
maintenance – aujourd’hui intégrée à la filière matériel, sous maîtrise
nationale – en « un marché indépendant ». Une aubaine pour les
constructeurs comme Alstom ou Bombardier, qui réclament de longue date
des contrats de maintenance, bien plus rentables que la construction.
Mais au-delà des questions de sécurité que cela soulève, « ce sont 12 900 cheminots qui risquent d’être “sortis” de l’entreprise », dénonce la CGT, qui plaide pour le retour à « une maintenance intégrée ».
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