jeudi 16 mai 2013

L'ANI, un double coup de force contre notre modèle social

par André Chassaigne, député du Puy-de-Dôme, Président du groupe GDR à l’Assemblée nationale et porte-parole des députés Front de Gauche.
Chaque législature est marquée par quelques textes phares et emblématiques, des lois qui reflètent l’orientation et l’identité politiques de l’exécutif et de sa majorité parlementaire. Incontestablement, la loi de transposition de l’Accord national interprofessionnel (ANI) relève de cette catégorie. Pourtant, son adoption définitive est actée dans un silence politico-médiatique assourdissant. Pis, cette loi ne s’inscrit pas dans la grande lignée des textes de justice sociale qui ont été adoptés par la gauche au pouvoir. Au contraire, il s’agit ici d’un texte de régression sociale, s’alignant sur les axes idéologiques de la droite libérale. Car en effet, derrière son apparente technicité, l’ANI relève plus du programme de l’UMP et du Medef que de l’héritage de la gauche. La consécration législative des rapports de force dissymétriques dans l’entreprise a été saluée par les agences de notation. Avec l’adoption de ce texte dit de « sécurisation de l’emploi » – un titre qui sonne aussi faux qu’une publicité mensongère – les masques sont tombés. Cette loi qui restera comme la première « loi sociale » de l’ère Hollande garantit la « sécurisation » des seuls employeurs…
Cet épisode politique est d’abord révélateur d’un mépris de l’exécutif pour la représentation nationale et de sa conception régressive des droits des salariés. Les modalités de la discussion et l’adoption de la loi ont, en effet, constitué un coup de force antidémocratique et antisocial.
Le mépris pour la représentation nationale et pour la démocratie parlementaire procède d’abord de l’interdiction absolue opposée par le gouvernement à toute modification de ce sacro-saint accord rejeté pourtant par le premier et le troisième syndicat de France ! Cette posture, adoptée au nom du respect d’un pseudo dialogue social, revenait à reconnaître la primauté de la négociation sociale sur la loi, la primauté de la volonté syndicale et surtout patronale sur la volonté générale. Or, faut-il le préciser, le législateur n’est aucunement tenu par la signature d’un accord entre patronat et syndicats. Mieux, selon l’article 34 de la Constitution, le Parlement est seul compétent pour déterminer les principes fondamentaux du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale. Une compétence renforcée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, celle-ci prévoyant qu’ « il incombe au législateur d’exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ». Autrement dit, le transfert – de facto – du pouvoir législatif aux partenaires sociaux est inconstitutionnel !
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