par André Chassaigne, député du Puy-de-Dôme, Président du groupe GDR à l’Assemblée nationale et porte-parole des députés Front de Gauche.
Chaque législature
est marquée par quelques textes phares et emblématiques, des lois qui
reflètent l’orientation et l’identité politiques de l’exécutif et de sa
majorité parlementaire. Incontestablement, la loi de transposition de
l’Accord national interprofessionnel (ANI) relève de cette catégorie.
Pourtant, son adoption définitive est actée dans un silence
politico-médiatique assourdissant. Pis, cette loi ne s’inscrit pas dans
la grande lignée des textes de justice sociale qui ont été adoptés par
la gauche au pouvoir. Au contraire, il s’agit ici d’un texte de
régression sociale, s’alignant sur les axes idéologiques de la droite
libérale. Car en effet, derrière son apparente technicité, l’ANI relève
plus du programme de l’UMP et du Medef que de l’héritage de la gauche.
La consécration législative des rapports de force dissymétriques dans
l’entreprise a été saluée par les agences de notation. Avec l’adoption
de ce texte dit de « sécurisation de l’emploi » – un titre qui sonne
aussi faux qu’une publicité mensongère – les masques sont tombés. Cette
loi qui restera comme la première « loi sociale » de l’ère Hollande
garantit la « sécurisation » des seuls employeurs…
Cet épisode politique est d’abord révélateur d’un mépris de
l’exécutif pour la représentation nationale et de sa conception
régressive des droits des salariés. Les modalités de la discussion et
l’adoption de la loi ont, en effet, constitué un coup de force
antidémocratique et antisocial.
Le mépris pour la représentation nationale et pour la démocratie
parlementaire procède d’abord de l’interdiction absolue opposée par le
gouvernement à toute modification de ce sacro-saint accord rejeté
pourtant par le premier et le troisième syndicat de France ! Cette
posture, adoptée au nom du respect d’un pseudo dialogue social, revenait
à reconnaître la primauté de la négociation sociale sur la loi, la
primauté de la volonté syndicale et surtout patronale sur la volonté
générale. Or, faut-il le préciser, le législateur n’est aucunement tenu
par la signature d’un accord entre patronat et syndicats. Mieux, selon
l’article 34 de la Constitution, le Parlement est seul compétent pour
déterminer les principes fondamentaux du droit du travail, du droit
syndical et de la sécurité sociale. Une compétence renforcée par la
jurisprudence du Conseil constitutionnel, celle-ci prévoyant qu’ « il
incombe au législateur d’exercer pleinement la compétence que lui
confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ». Autrement dit, le transfert – de facto – du pouvoir législatif aux partenaires sociaux est inconstitutionnel !
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