Déclaration du Parti communiste français
En
pleine discussion au Parlement de la loi de finance pour 2018, au
chapitre culture et audiovisuel public, une bombe à retardement
explose : trente et une pages d'un « document de synthèse » confidentiel
destiné à nourrir le « plan de refondation » lancé par le Premier
Ministre Édouard Philippe le 13 octobre dernier : CAP 2022. Après
Emmanuel Macron, Christophe Castaner et Muriel Pénicaud, c'est au tour
de Françoise Nyssen de brandir des menaces faisant fi de la protection
des sources des journalistes dont elle est pourtant garante par sa
fonction. Décidément ce pouvoir a un problème avec la liberté de la
presse.
Ce
rapport est une rupture totale et de grande envergure avec les
politiques publiques même mises à mal. Il préconise externalisation,
rentabilisation, stagnation et reculs budgétaires, transformation
d'agents du public en agents du privé….
C'est la donnée économique qui domine, le politique est réduit à la
finance et les politiques culturelles deviennent des politiques
marchandes. Que ce soit dans les musées ou les lieux du spectacle vivant
il est préconisé une forte incitation à la baisse des ambitions
culturelles sous couvert d'une rotation plus rapide et d'une réponse
mieux adaptée aux attentes supposées du public. Lorsqu'il n'y a plus de
place pour l'imaginaire humain, pour le désir, pour la découverte de
l'inconnu, c'est la démocratie qui est menacée.
Madame
Nyssen a beau jeu de prétendre n'avoir pas « validé » cette note. Quoi
qu'il en soit, validé ou pas, ce document élaboré dans le secret des
cabinets ministériels sans aucune concertation avec les organisations
syndicales, les créateurs, les actrices et acteurs culturels est une
insulte à la démocratie. Et quoiqu'en dise la ministre, il connaît déjà
un commencement d'application, puisque l'audiovisuel public subira dès
2018 une coupe budgétaire de l'ordre de 50 millions d'euros et y perdra
plusieurs centaines d'emplois.
Les
experts du Ministère de la Culture ont été zélés : administration
centrale, champ muséal, aides à la création, politique des archives et
l'audio-visuel de service public ont été passés au crible de
l'ultralibéralisme dont les mots-clés sont mutualisation,
rationalisation, reconfigurations, gouvernance, efficacité, synergies…
mots glissants dont la principale fonction est de faire des économies,
de réduire les assiettes et les effectifs. Comme le disait sur
France-Inter la réactive Charline Vanhoenacker : « Un gouvernement qui veut dégager des synergies, c'est qu'il veut dégager des personnels… ».
L'argumentaire s'articule autour de trois motivations :
-
« La montée en puissance des collectivités territoriales, qui investissent davantage dans l'animation de la vie culturelle locale ». S'il est vrai que les collectivités locales, tous échelons confondus, jouent et ont joué un rôle déterminant, la réduction des crédits et la baisse des dotations mettent ces collectivités face à des choix cornéliens : social ou culture ou éducation...
-
« L'affirmation d'une autonomie croissante de ses opérateurs, notamment les grands établissements publics, porteurs de politiques publiques nationales ». Ces établissements (grands musées, théâtres nationaux, etc.) disposent d'une autonomie mais le désengagement de l'État depuis presque deux décennies, les oblige à rechercher d'autres financements (recettes propres, mécénat, privatisations…). C'est cela que le document veut pérenniser et aller plus loin dans la marchandisation de la culture et la privatisation d'une part des emplois par la sous-traitance.
-
« La transition numérique, avec ses effets sur les industries culturelles, dans un monde ouvert et concurrentiel dont la régulation s'inscrit dans un cadre européen ». Le ministère de la culture doit céder la place à un « ministère de l'économie et des industries culturelles », à l'instar de ce que préconisait Olivier Henrard, Conseiller de Nicolas Sarkozy, dès octobre 2010 … Nous y voilà.
Il
s'agit donc de recadrer tout ce qui relève des missions traditionnelles
du ministère de la culture (création, spectacles, livre, musées,
patrimoine, archives…) avec toujours le même argument : les économies
budgétaires. Pour cela c'est la sous-traitance au privé, le
désengagement vers les collectivités locales, le recentrage de
l'administration sur les industries culturelles, la concurrence et la
« compétitivité », autant de préconisations qui traduisent parfaitement
l'ambition libérale et technocratique.
Les
personnels du Ministère de la culture, comme l'ensemble des acteurs
culturels et des forces syndicales de notre pays ne s'y sont pas
trompés. Ils parlent d'une entreprise de dépeçage du service public de
la culture et de l'audiovisuel, de ses structures, de ses
établissements, de ses services centraux ou déconcentrés. Il s'agit
aussi de rendre les aides à la création plus « sélectives », au prétexte
qu'il y aurait trop de spectacles, trop de projets, trop de créations…
Si
les « préconisations » de cette note devaient voir le jour, cela
amènerait les politiques culturelles publiques à une régression sans
précédent sur le lit de la marchandisation de l'humain, déjà amorcée
dans les deux quinquennats antérieurs.
On
sait la place minime qui fut celle de la culture dans la dernière
campagne présidentielle, et notamment le laconisme du programme
électoral de l'actuel président de la République. Sans doute notre
responsabilité collective est-elle engagée ; sans doute payons-nous la
sous-estimation de cette question par les forces politiques de la gauche
de transformation du pays. Le Parti communiste, propose une politique
culturelle alternative à celle que l'ultralibéralisme tente de nous
imposer depuis ces dernières années, mais force est de constater qu'elle
reste très peu connue. Nous ne pouvons nous en satisfaire.
Retrouvons
notre capacité de combat. Mobilisons-nous tous pour défendre les
conquêtes de la Libération et des années qui ont suivi en matière de
politiques culturelles publiques. Mais cela ne suffira pas. Des enjeux
nouveaux surgissent. La révolution numérique, entre aliénation et
émancipation, bouleverse le rapport au travail en général, artistique en
particulier, mais nous devons lutter contre l’emprise financière
mondialisée des GAFA. La fin du 20 siècle a vu une considérable
expansion de la décentralisation, et une importante montée en puissance
des collectivités locales dans le champ culturel. Mais les récentes
réformes institutionnelles, redécoupage régional, remise en cause des
départements, « métropolisation », ainsi que l'étranglement des budgets
des collectivités suite aux transferts de charges, conjugués aux baisses
des dotations, ont dangereusement fragilisé la capacité d'intervention
des collectivités.
Mobilisons-nous
aussi pour de nouvelles avancées. Nous pensons la création artistique
et l'éducation populaire comme condition de l'émancipation! Il s'agit de
libérer l'imaginaire pour nous libérer des aliénations que nous impose
le système dominant et ouvrir la voie à une alternative de progrès.
Portons pour cela un nouveau rapport entre l'art, la culture, la
démocratie et la politique, entre les créations et l'éducation
artistique, entre les œuvres, les artistes et l'éducation populaire.
Ouvrons une nouvelle ère où l'universalité intégrerait la diversité
culturelle du monde. Portons l'ambition de refonder un nouveau service
public de l'art, de la culture et de l'éducation populaire pour en faire
un véritable bien commun. Remettons nous au travail !
Pour
notre part nous avons décidé de fonder un Réseau national et
décentralisé pour l'art, la culture et l'éducation populaire afin de
préparer une Convention nationale qui se tiendra fin septembre 2018
ouverte à tous ceux et toutes celles qui veulent mener avec nous ce
combat décisif pour l'avenir.
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