Assemblée nationale le 31 octobre 2017
Projet de loi de finances pour 2018 - Examen des crédits relatifs à la cohésion des territoires - Discussion du budget logement
Intervention de Stéphane Peu, député de Seine-Saint-Denis :
En janvier 2006, l’abbé Pierre est venu dans l’enceinte de notre
assemblée pour soutenir la loi SRU – solidarité et renouvellement
urbains – remise en cause par la majorité d’alors. À cette occasion, il
déclarait : « Si je suis là, […] c’est que se trouve mis en question
l’honneur de la France ». L’honneur, disait-il, « c’est quand le fort
s’applique […] à aider le faible », et il demandait à la majorité
d’alors comment elle en était arrivée à faire le contraire.
S’il était encore vivant, il serait ici, j’en suis certain, plus
déterminé que jamais, vent debout, comme tous les acteurs du logement –
le mouvement HLM, les associations de solidarité, les élus locaux, les
professionnels du bâtiment. La principale question qui se pose ce soir
est la suivante : malgré ces protestations unanimes, allez-vous
persévérer, monsieur le ministre, seul contre tous, à faire porter
uniquement aux locataires vivant en HLM le poids des restrictions
budgétaires ?
Si le budget consacré à l’APL augmente, c’est d’abord parce que la
pauvreté dans notre pays progresse ; c’est ensuite parce que les loyers
en vigueur dans le parc locatif privé subissent des dérives
spéculatives, contrairement à ceux en vigueur dans le parc HLM qui
applique, lui, des loyers réglementés. Disons-le sans détour : l’article
52 est un poison mortel qui engage le pronostic vital des organismes
HLM.
Cet article est injuste et inefficace pour quatre raisons.
Premièrement, plus un organisme HLM loge des ménages éligibles à l’APL,
plus il sera sanctionné. Il s’agit donc d’une mesure pénalisant les
organismes les plus vertueux. Deuxièmement, après avoir subi une baisse
de 5 euros en 2017 et un gel des barèmes de l’APL en 2018, les
locataires vivant en HLM seront condamnés à la dégradation de leur cadre
de vie. En effet, plus de 80 % des capacités financières destinées à
réhabiliter et entretenir le patrimoine seront ponctionnées.
Troisièmement, cet article constitue un danger mortifère pour les
organismes HLM. Ainsi, dès 2018, les comptes de 120 offices publics et
de 80 entreprises sociales pour l’habitat seront dans le rouge. Il en
est ainsi, par exemple, de l’office Plaine Commune Habitat, que j’ai
présidé jusqu’en juin dernier, né de la fusion de six organismes HLM
communaux. Nous avons mis dix ans à le redresser et ces efforts de dix
années seraient anéantis en une seule ?
ville du Premier ministre, mais aussi de Jules Siegfried, fondateur
des HLM – dont le directeur annonce qu’il sera « K.O . » dès la première
année.
La quatrième et dernière raison, c’est que les HLM ne rémunèrent pas
de capital, ne versent pas de dividendes, mais réinvestissent la
totalité de leurs marges dans les travaux d’amélioration, la rénovation
thermique et la production neuve. Dès la première année, ce sont 12
milliards d’euros qui disparaîtront des carnets de commandes des
artisans et des PME du bâtiment.
Votre stratégie sur le logement est incompréhensible. Je ne parviens
pas encore à savoir s’il s’agit d’un dérapage technocratique incontrôlé
ou d’une politique mûrement réfléchie, cohérente, visant à affaiblir le
secteur HLM et à renforcer le secteur privé.
Je ne vous fais pas de procès d’intention mais je vous mets en garde.
Les HLM ont plus de 120 ans, ils ont su évoluer, se réformer ; ils
doivent encore le faire. Mais l’histoire nous a montré que le secteur
pouvait être détruit en quelques années, comme lorsque Margaret Thatcher
a fait le choix, au milieu des années 1980, de démanteler ce secteur,
au grand dam des Britanniques aujourd’hui.
Il y a dans les ministères, à Bercy en particulier, et dans les
établissements financiers, des apprentis sorciers qui ont comme business
model l’opération Icade, un immense scandale il y a une dizaine
d’années : tout d’abord, on regroupe ; ensuite, on ouvre le capital ;
puis on cède le patrimoine, avec des plus-values exorbitantes.
Mesdames et messieurs les rapporteurs, monsieur le ministre, monsieur
le secrétaire d’État, vous pouvez sortir de cette impasse et restaurer
la confiance. Je vous ai proposé il y a quelques jours un moratoire sur
l’article 52. Cette proposition est désormais reprise par l’ensemble des
acteurs de logement, notamment l’USH.
Puisque vous avez annoncé une grande loi sur le logement pour le mois
de février 2018, vous pouvez décider maintenant ce moratoire. Cela
permettra d’engager une réelle concertation, dans un climat serein et
constructif, et d’élaborer un projet de loi à la hauteur des enjeux de
la crise du logement.
Quinze millions d’hommes, de femmes et d’enfants souffrent du
mal-logement en France. C’est insupportable et indigne de la sixième
puissance économique mondiale.
Le logement doit être déclaré Grande cause nationale.
Si vous le faites, les HLM seront vos premiers de cordée.
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