dimanche 1 juillet 2018

Des élus parrainent leurs homologues kurdes

Alors que sur la Scène du peuple de la Fête du Travailleur alpin, IO assurait l’ambiance de l’après-midi, un petit groupe se tenait sous le chapiteau, cherchant un brin d’ombre quand le parc de la Poya, à Fontaine, brûlait sous un soleil de plomb. Malgré le fond sonore festif, la gravité se lisait sur le visage de Maryvonne Mathéoud, vice-présidente d’Aiak (Association iséroise des amis des Kurdes). Elle revient tout juste de Turquie où elle était observatrice des dernières élections, répondant ainsi à l’appel du HDP (Parti démocratique des peuples). Lors de cette élection, dimanche dernier, des délégations françaises, notamment celle du PCF, ont été arrêtées. Pas la sienne. Elle a donc témoigné, hier et avant-hier, à la Fête du Travailleur alpin, saisissant chaque occasion pour interpeller, mission qu’elle s’est donnée, l’opinion publique sur « ce que vit le peuple kurde en Turquie, un pays en état d’urgence, avec des élections sous haute tension ». Elle a raconté la campagne électorale « inégale, avec un candidat du HDP qui a fait son allocution de sa prison ». Durant sa mission à Hani, Maryvonne Mathéoud, Gulistan Akhan et Sandra Révolution (EELV) ont remarqué « des urnes qui n’étaient pas fermées, les personnes signaient avant de voter, allaient à deux dans l’isoloir, les listes pour la présidentielle et les législatives étaient dans la même enveloppe ». La délégation a senti « qu’on dérangeait », jusqu’à « l’ordre du préfet de nous interdire d’entrer dans les bureaux de vote. Il y a eu de la violence. Et nous, nous avons été contrôlés de façon vive et avons dû renoncer à notre mission ». Le reste, Maryvonne Mathéoud l’a raconté au Dauphiné Libéré en direct (lire notre édition du 26 juin).

« S’engager à faire respecter le suffrage universel »

Toujours est-il que 67 Kurdes ont été élus ce jour-là. Et c’est aussi de cela dont il était question hier. Sous ce chapiteau, l’association Aiak a accueilli de nouveaux parrains : des élus locaux qui acceptent d’écrire à des élus kurdes emprisonnés. « En général, ces personnes font 70 à 80 % lors des élections, ils représentent réellement la population. Nos élus s’engagent donc à faire respecter le suffrage universel. D’autant que les charges reprochées n’ont aucun fondement : avoir parlé de démocratie, d’écologie, avoir écrit en kurde, on dit qu’ils sont en lien avec le PKK ». Le PKK est considéré par Erdogan, le président, comme une organisation terroriste. « Sauf que le Tribunal international des peuples à Paris a récemment déclaré qu’il y a une guerre entre les Kurdes et les Turcs. Donc les militants du PKK sont des résistants qui ont pris le maquis ».
Lors de son séjour en Turquie, des avocats ont expliqué à Maryvonne Mathéoud que « le régime d’Erdogan arrête 50 militants du HDP par jour. Certains sont torturés. Dans les prisons, les détenus kurdes ont un lit pour quatre ». C’est pour cela qu’Aiak espère avoir de nombreux parrains : « Là-bas, ils nous demandent de faire des choses concrètes, pas seulement de venir au moment des élections. Ils sont déçus de la politique des pays européens car ils se sont battus contre Daech et que nous les avons complètement lâchés ».
Plusieurs élus, via Aiak, parrainent leurs homologues kurdes emprisonnés. « Par les avocats on sait que les lettres arrivent à destination », se réjouit Maryvonne Mathéoud. « C’est un soutien et cela leur montre que des élus français réclament la démocratie. De plus ils peuvent être des relais pour faire grandir la solidarité ». Jacqueline Madrennes, adjointe à Échirolles, parraine ainsi une co-maire (les Kurdes fonctionnent en binôme), pour montrer « qu’en France une certaine résistance existe. Et je lui montre, dans mes lettres, de manière personnelle, qu’on peut parler entre femmes, lui dire qu’on est là, qu’il y a quelqu’un qui pense à elle.  Sur le plan de l’humanité, cette rupture avec l’isolement est majeure. » Arlette Jean, élue à Saint-Martin-d’Hères, fait partie des nouvelles marraines et souhaite « apporter mon soutien à une personne emprisonnée dans des conditions très difficiles ». Et veut ainsi montrer sa « reconnaissance du peuple kurde et aller contre la privation des libertés et des droits partout dans le monde ». Bernard Macret, adjoint à Grenoble, a mis en avant « la pression du dictateur Erdogan contrairement au mode très démocratique des Kurdes. Il faut se bagarrer contre la répression qui est inadmissible : 10 000 détenus politiques et 35 000 déplacés ». Michel Barrionuevo, élu à Sassenage, n’oublie pas que « le gouvernement français a sa part de responsabilité. Pour l’heure il ne collabore pas avec la Turquie d’un point de vue démocratique mais seulement sur des questions d’argent ». Pour Guillaume Gontard, sénateur, « ce parrainage va au-delà de l’acte symbolique. La situation en Turquie est dramatique, inacceptable au niveau des élections. Et si cela peut faire bouger la parole de la France… qui est bien silencieuse sur ces combattants de Daech ».
Tous les élus locaux n’étaient pas présents hier lors de ce moment. Un autre bilan sera fait le 15 juillet à Saint-Martin-d’Hères.

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