La
bride est lâchée. À peine six mois après la décision du tribunal
administratif de mettre un terme à l’encadrement des loyers dans la
capitale, les bailleurs qui pratiquent des prix supérieurs à ceux du
marché sont de plus en plus nombreux. Selon une étude publiée hier par
l’association Consommation logement, cadre de vie (CLCV), le nombre de
propriétaires qui pratiquent des prix conformes à ceux encadrés est,
pour la première fois depuis 2015, repassé sous la barre des 50 %. En un
an il a chuté, passant de 61 % à 48 %, note l’organisation, qui a
étudié à la loupe plus de 1 000 annonces immobilières. « À peine
l’annulation de l’encadrement a-t-elle été prononcée que les bailleurs
en ont profité pour revoir leurs pratiques et majorer leurs loyers dans
des proportions supérieures à celle du marché », constate, inquiète,
CLCV. La mesure phare de la loi Alur, mise en œuvre il y a deux ans dans
la capitale, avait permis de stabiliser les montants. C’est du passé.
« Pour les locataires, cette situation est très problématique »
Le non-respect de règles d’encadrement a un coût. En
moyenne, les dépassements par rapport aux prix autorisés atteignent
128,09 euros par mois, soit 1 537,08 euros par an. Mais certaines
hausses peuvent être beaucoup plus importantes. L’étude de CLCV donne
l’exemple d’un deux-pièces de 27 m2 dans le 18e arrondissement loué
1 260 euros au lieu de 828,90 euros, soit 5 463,60 euros de plus par an à
sortir de sa poche pour le locataire. Dans le 16e, un meublé d’une
pièce loué 218,70 euros de plus que le prix encadré coûte 2 624,40 euros
supplémentaires par an à son occupant. Une somme très importante, voir
rédhibitoire, pour des salariés au Smic ou légèrement au-dessus et qui
doivent déjà faire de nombreux sacrifices pour pouvoir se loger dans la
capitale. « Pour les locataires, cette situation est très problématique
car elle va avoir un impact direct sur leur pouvoir d’achat », note
l’organisation de défense des consommateurs. Elle s’inquiète aussi des
« risques d’effet boule de neige » sur un marché déjà très tendu,
puisque les nouveaux tarifs appliqués vont devenir la référence pour la
fixation des prix à venir.
L’augmentation du nombre d’appartements mis en location à
des prix supérieurs à ceux définis par les règles d’encadrement est,
plus ou moins, identique selon le nombre de pièces (autour de 10 % en
plus pour les une, deux et quatre-pièces, seuls les trois-pièces se
révèlent stables). Mais ses effets touchent plus les petites surfaces.
En raison de l’importance de la demande, leurs prix au mètre carré
étaient déjà plus élevés que ceux des grands appartements. Elles ont été
en plus, à partir de 2015, moins nombreuses à pratiquer des prix
conformes à la législation. Ce bond des prix des petites surfaces est
d’autant plus dommageable qu’il vise des logements occupés par des
jeunes, des étudiants ou des publics fragiles économiquement.
L’encadrement « instaure un garde-fou et limite les abus
de certains bailleurs qui n’hésitent pas à pratiquer des loyers très
élevés pour des logements qui ne le justifient nullement », observe
CLCV, qui demande sa remise en place dans sa version initiale, et non
pas sur la seule base du volontariat des communes, comme le propose la
nouvelle loi logement (loi Elan) du gouvernement.
« Est-ce qu’on considère qu’on doit laisser le marché agir
tout seul dans nos grandes métropoles ? interroge Ian Brossat, adjoint
PCF en charge du logement à la Mairie de Paris, en réaction aux données
de CLCV. Si on le laisse, les classes moyennes seront obligées de
partir, et moi je souhaite que Paris reste une ville mixte, accessible à
des gens qui travaillent et qui ont des revenus moyens, et ça, ça
suppose d’éviter que les prix des loyers s’envolent. » Opposée dès le
départ à la remise en cause de l’encadrement qu’elle avait été la
première à instaurer, la municipalité a annoncé que, conformément à une
disposition taillée sur mesure de la loi Elan, elle allait, dès
septembre, la remettre en place.
Réhabilitation en trompe-l’œil de l’encadrement
Le gouvernement a réintroduit l’encadrement des loyers
dans sa loi Elan, mais sous une forme édulcorée. La mesure pourra,
pendant cinq ans, être adoptée sur une base volontaire par une
communauté de communes ou par certaines métropoles. Elle sera
conditionnée à la mise en place préalable d’un observatoire des loyers.
Prévu à l’origine pour être appliqué dans 28 agglomérations,
l’encadrement avait vu sa portée limitée par une décision unilatérale du
premier ministre Manuel Valls. Seul Paris, puis Lille l’avaient
appliqué, avant que la justice annule en 2017 leurs arrêtés, estimant
que l’application de l’encadrement à une seule commune était contraire à
la loi.
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