Le chanteur stéphanois revient à la Fête avec son magnifique nouvel album 5 Minutes au paradis, un opus engagé qui s’ancre dans l’actualité.
Bernard
Lavilliers participe à la Fête de l’Humanité pour la 9e fois. Record
absolu ! Depuis son premier passage, en 1976, « Nanard » a fait cogiter
plusieurs générations avec son envie de refaire le monde. Sur la Grande
Scène, Lavilliers interprétera notamment son dernier album, 5 Minutes au
paradis. Pour son 22e disque, il juxtapose subtilement les registres
musicaux, avec du rock, des mélodies tropicales et des arrangements plus
électroniques. Une prouesse qui nous rappelle son premier grand
succès : les Barbares, en 1976. Il offre une écriture toujours plus
acérée et décrit l’actualité sans concession, notamment dans Croisières
méditerranéennes. Il y évoque la tragédie des migrants qui ont fui leur
pays en guerre et qui se retrouvent abandonnés dans la Méditerranée.
Avec sa voix chaude, le chanteur ne tombe pas dans le pathos et nous
livre un témoignage édifiant : « On est venu de loin, plus loin que tes
repères, à des millions de pas / On est venu à pied du fond de la
misère, ne nous arrête pas / “Retourne à la maison” et s’il y en avait
eu, je ne serais pas là / Et la mer engloutit, dans un rouleau d’écume,
mon chant et puis ma voix ».
L’un de ses disques les plus sombres de sa carrière
5 Minutes au paradis est sûrement l’un des disques les
plus sombres de la carrière de Lavilliers. Avec beaucoup de chansons
réalistes, il évoque en grand la noirceur du monde tel qu’il est, comme
il a toujours aimé le faire. Celui qui aurait très bien pu finir boxeur
ou bandit a grandi dans la réflexion politique et sociale, élevé par un
père résistant, communiste et syndicaliste. Il a vu dans la musique une
opportunité unique d’exprimer son point de vue anarchiste mais aussi de
pouvoir rendre hommage. C’est d’ailleurs ce qu’il fait dans Vendredi 13,
où il évoque les attentats du Bataclan et se sert de sa voix comme
d’une arme. Il condamne les terroristes, ces « mercenaires du diable »
qu’il compare aux assassins de la Commune et aux chemises brunes.
Le chanteur stéphanois qui, dans sa jeunesse, a été
apprenti tourneur dans une manufacture d’armement, est sensible à la
condition ouvrière. Ses grands succès Fensch Vallée (1976) et les Mains
d’or (2001) sont même devenus des hymnes du peuple opprimé. Dans le
présent album, Bon pour la casse est un pont vers la nouvelle génération
des cols blancs interchangeables. Bernard Lavilliers raconte l’histoire
d’un cadre sup qui se retrouve viré de son entreprise comme un
malpropre, sans aucune autre raison que l’économie salariale.
Le chanteur trouve en effet les mots justes pour décrire
la rudesse de cette société capitaliste poussée dans les extrêmes. La
chanson Charleroi, écrite avec le groupe de rock français Feu !
Chatterton, donne une vue d’ensemble sur le centre industriel belge qui a
longtemps été frappé par la crise. Le magnifique clip réalisé par
Gaëtan Chataigner est éloquent. Aujourd’hui, Charleroi va mieux et
Lavilliers le sait. On le devine avec la fin de la chanson, planante et
pleine d’espoir pour le futur, grâce à la chaleur humaine et la
solidarité entre toutes les communautés. Il fait notamment référence aux
nombreuses familles d’immigrants qui sont venues travailler dans ces
villes du Nord : « La Méditerranée est là / Glacée dans son cadre de
fer / De Rome jusqu’à Casablanca / Ils se partagent la poussière / Ils
réinventent leur soleil / Leur musique et leurs habitudes / Leurs
couleurs, leurs piments pareil / Pour éviter la solitude, la solitude ».
En contrepoint du reste de l’album, la collaboration entre
Lavilliers et Benjamin Biolay a offert deux chansons rêveuses pleines
de nostalgie : Montparnasse-Buenos Aires et Paris la Grise. Ces mélodies
sud-américaines sont la marque de fabrique de Lavilliers. Inspiré par
ses nombreux voyages, il y chante Paris et ses poètes, Verlaine et
Apollinaire en tête. Il ne boude pas la capitale argentine et les
artistes qui l’ont fréquentée : Pablo Neruda et Borges. Ces ballades,
rendues envoûtantes par les cuivres, ne sont pas sans nous rappeler O
Gringo (1980), opus écrit après ses périples en Jamaïque, à New York et
au Brésil. Ce voyage auditif, teinté de salsa, de samba et de reggae,
est aujourd’hui son album le plus vendu (plus de 600 000 ventes).
Bernard Lavilliers viendra donc à la Fête de l’Humanité
pour nous faire réfléchir et voyager. Mais il compte bien en profiter
lui-même en rencontrant des poètes, en assistant à des concerts et des
conférences, comme il le fait à chaque fois qu’il vient, auprès de ceux
qui sont devenus ses amis.
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