jeudi 9 février 2012

Les victimes cachées de la crise sociale

Sous l’effet du chômage et de la dégradation des conditions de vie, les idées noires ne cessent de gagner du terrain en France. Des associations réclament en vain un observatoire du suicide.
«En trois ans, avec 648 500 chômeurs de plus, on estime à 10 780 le nombre de suicidants supplémentaires et à 750 celui des morts. Tel est le prix humain de la crise. » Avec cette entrée en matière sans fioritures, l’association France prévention suicide a déjà donné le ton de la 16e journée nationale de prévention du suicide qui se déroule aujourd’hui : brutal.
Un sentiment de délaissement
Brutal comme tous ces deuils passés sous silence. Car c’est un fait, la première cause de mortalité chez les 25-34 ans préoccupe moins l’État que la sécurité routière, qui dispose actuellement de budgets 30 fois supérieurs. Un sentiment de délaissement que vient renforcer le plan d’action contre le suicide, pondu pour l’occasion avec cinq ans de retard par le ministère de la Santé, et dont les 49 mesures n’évoquent ni la crise ni le chômage. La création d’un Observatoire du suicide et des pratiques suicidaires, réclamée avec force par le collectif associatif et syndical, auteur de l’Appel des 44 en mai dernier, ne figure pas non plus à l’ordre du jour.
Surprenant, ce silence ? Pas franchement, tant cette hausse des suicides fait écho à la politique d’austérité menée par le gouvernement depuis 2008. À l’Inpes, François Beck estime en effet qu’entre 2005 et 2010 le taux annuel des tentatives de suicide a crû de 0,3 % à 0,5 %. « C’est minime, mais c’est une tendance. » Pour le professeur Michel Debout, président de France prévention suicide, continuer à faire l’autruche sur les conséquences humaines et sanitaires de la crise est une forme de « non-assistance à personne en danger ». Il défend, au contraire, l’idée d’une prévention active et solidaire, dont l’observatoire serait la pierre angulaire. D’après Jean-Claude Delgenes, du cabinet Technologia, spécialisé en gestion de crises, un tel outil permettrait en effet de recenser « les données sur les parcours des suicidants afin de mettre en place une prévention efficace et adaptée ».
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