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À l’heure où les plans d’austérité se multiplient, où le chômage partiel
se banalise, où la durée de vie au travail s’allonge un peu partout,
quel est l’état de santé des salariés européens ? Les inégalités
sociales face à l’enjeu de la santé au travail demeurent très fortes.
Pour espérer vivre vieux, mieux vaut être cadre qu’ouvrier, et ouvrier
que jeune précaire. Entretien avec Laurent Vogel, de l’Institut syndical
européen.
Basta ! : Comment se portent les salariés européens ?
Laurent Vogel [1] :
Nous assistons à une détérioration de la santé au travail sur le long
terme. Le problème est moins l’impact immédiat des conditions de travail
sur la santé que le cumul des atteintes à la santé dans la durée. Dans
le cadre de l’enquête européenne sur les conditions de travail [2],
lorsque l’on demande aux salariés s’ils se sentent capables de
travailler jusqu’à l’âge de 60 ans, les réponses négatives sont
importantes. Un effet d’usure se manifeste : seulement 44 % des ouvriers
non qualifiés pensent ainsi pouvoir tenir le coup jusqu’à 60 ans, et à
peine la moitié des ouvriers qualifiés. Les différences sont fortes
selon la place dans la hiérarchie sociale, car la proportion de ceux qui
pensent pouvoir tenir le coup monte à 71 % pour les employés les plus
qualifiés. Il existe ainsi un fossé entre les ouvriers les moins
qualifiés et les personnes qui ont des qualifications élevées. En
France, les ouvriers décèdent six ans et demi avant les cadres
supérieurs. En Estonie, la différence d’espérance de vie entre un homme
âgé de 25 ans possédant un diplôme universitaire et un homme du même âge
possédant le niveau d’éducation le plus bas s’est accrue de 13 ans. La
situation des femmes est plus favorable que celle des hommes dans des
secteurs où les conséquences immédiates du travail sont moins
perceptibles. Mais sur le long terme, les femmes perdent tout avantage.
Elles sont notamment confrontées tout au long de leur vie à une
organisation plus disciplinaire du travail.
Dans un contexte où la durée de vie au travail s’allonge...
Tout cela est effectivement inquiétant alors que dans beaucoup de
pays européens l’âge de départ à la retraite et la durée du temps
travaillé s’allongent. Cette logique simpliste qui vise à affirmer que
l’espérance de vie augmentant, la durée du travail doit suivre, risque
d’avoir des effets délétères. Les conditions de travail actuelles
rendent cet objectif impossible pour une grande partie de la population.
460 personnes meurent chaque jour en Europe à la suite
d’accidents et de maladies liés au travail (168 000 par an selon la
Commission des affaires sociales du Parlement européen). Les décès liés
au travail ont-ils tendance à se réduire ?
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