Sous l’effet du chômage et de la dégradation des conditions
de vie, les idées noires ne cessent de gagner du terrain en France. Des
associations réclament en vain un observatoire du suicide.
«En trois ans, avec 648 500 chômeurs de plus, on estime à 10 780 le
nombre de suicidants supplémentaires et à 750 celui des morts. Tel est
le prix humain de la crise. » Avec cette entrée en matière sans
fioritures, l’association France prévention suicide a déjà donné le ton
de la 16e journée nationale de prévention du suicide qui se déroule
aujourd’hui : brutal.
Un sentiment de délaissement
Brutal comme tous ces deuils passés sous silence. Car c’est un fait,
la première cause de mortalité chez les 25-34 ans préoccupe moins l’État
que la sécurité routière, qui dispose actuellement de budgets 30 fois
supérieurs. Un sentiment de délaissement que vient renforcer le plan
d’action contre le suicide, pondu pour l’occasion avec cinq ans de
retard par le ministère de la Santé, et dont les 49 mesures n’évoquent
ni la crise ni le chômage. La création d’un Observatoire du suicide et
des pratiques suicidaires, réclamée avec force par le collectif
associatif et syndical, auteur de l’Appel des 44 en mai dernier, ne
figure pas non plus à l’ordre du jour.
Surprenant, ce silence ? Pas franchement, tant cette hausse des
suicides fait écho à la politique d’austérité menée par le gouvernement
depuis 2008. À l’Inpes, François Beck estime en effet qu’entre 2005 et
2010 le taux annuel des tentatives de suicide a crû de 0,3 % à 0,5 %.
« C’est minime, mais c’est une tendance. » Pour le professeur Michel
Debout, président de France prévention suicide, continuer à faire
l’autruche sur les conséquences humaines et sanitaires de la crise est
une forme de « non-assistance à personne en danger ». Il défend, au
contraire, l’idée d’une prévention active et solidaire, dont
l’observatoire serait la pierre angulaire. D’après Jean-Claude Delgenes,
du cabinet Technologia, spécialisé en gestion de crises, un tel outil
permettrait en effet de recenser « les données sur les parcours des
suicidants afin de mettre en place une prévention efficace et adaptée ».
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