La France compte 740 000 auto-entrepreneurs. Un succès pour ce statut lancé il y a trois ans et présenté comme « une arme anticrise ».
La promesse de revenus complémentaires et de créations d’activité
dissimule cependant un véritable miroir aux alouettes : contournement du
droit du travail, salariat déguisé sans les protections associées,
isolement, transformation de travailleurs en sous-traitants bon marché…
« Recrute téléopérateur, vendeur, graphiste, livreur de pizzas,
coiffeuse, maçon… sous le régime d’auto-entrepreneur. » Ce type
d’annonce foisonne sur Internet. Nombre d’employeurs voient dans les
deux initiales « AE » un nouveau mode d’emploi. Les avantages sont
multiples : baisse des cotisations sociales, qui sont gérées par le
prestataire, révocation immédiate sans procédure ni indemnités.
Architecte, Simon travaille pour la même agence en tant
qu’auto-entrepreneur depuis un an. « J’ai été le premier, explique-t-il. Après,
ils ont enchaîné toute une vague. Ils exigent que toutes les nouvelles
embauches soient sous le statut d’auto-entrepreneur. » Horaires
fixes, présence continue au bureau, consignes régulières, client unique,
sa situation actuelle a tout du salariat. De quoi écorner l’image du
créateur libre et autonome vantée par les sites de promotion qui
pullulent sur la toile : simplicité, rapidité, allègement fiscal… Faites
fructifier vos talents et devenez votre propre patron en un clic !
Le statut d’auto-entrepreneur fête ses 3 ans. Il est présenté comme une « arme anticrise »,
selon son inventeur, Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du
Commerce, de l’Artisanat, des Petites et Moyennes Entreprises. Le
dispositif rencontre un grand succès, dès son entrée en vigueur, en
janvier 2009. Le nombre d’auto-entrepreneurs cotisant est passé de
78 500 début 2009 à près de 740 000 fin 2011.
En janvier 2012, le dispositif a franchi le million d’inscriptions,
malgré une hausse des radiations. De l’informatique à l’agriculture, en
passant par la restauration, le journalisme ou l’éducation, tous les
secteurs sont concernés. Même dans la Fonction publique [1]. Construction et commerce en tête, auto-entrepreneurs à tous les étages ! Et selon l’Insee,
près d’un tiers des auto-entrepreneurs sont des demandeurs d’emploi.
Chômeurs, devenez créateurs d’entreprise ! Derrière la promesse d’un
complément de revenus ou de la création de son activité, c’est pourtant
la porte ouverte au salariat déguisé et à la précarisation. Un véritable
miroir aux alouettes.
Contourner le droit du travail
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