« La fraude sociale : ce sport national qui plombe notre
économie » ; « Fisc, Sécu, chômage : ce que les fraudeurs nous coûtent » ; «
Fraudeurs de la Sécu. Ceux qui ruinent la France » ; « La grande triche.
Enquête sur les 15 milliards volés à la protection sociale » ; « La France des
assistés. Ces “allocs” qui découragent le travail » (1)… La meilleure façon de
saper la légitimité de la protection sociale, c’est de laisser entendre qu’elle
ressemble à une passoire. Les tricheurs se glisseraient aisément entre les
mailles d’un filet trop lâche, et leur parasitisme finirait par transformer la
solidarité nationale en une menace pour le pays. Le 8 mai 2011, au micro
d’Europe 1, l’ancien ministre des affaires européennes Laurent Wauquiez
n’hésitait pas à comparer l’« assistanat » au « cancer de la société française
». Conclusion (implacable !) : protéger la France impliquerait d’éradiquer la
fraude ; et éradiquer la fraude, d’élaguer les droits sociaux.
Nul ne suggère que les filous bénéficiant de prestations
indues n’existent pas. Mais, de l’avis même du Conseil d’Etat, « la fraude des
pauvres est une pauvre fraude (2) ». Si les estimations peuvent être
contestées, elles donnent un ordre de grandeur. Enregistré le 29 juin 2011, le
rapport Tian, du nom du député de l’Union pour un mouvement populaire (UMP)
Dominique Tian, rapporteur de la mission d’évaluation des comptes de la
Sécurité sociale (3), évoque 4 milliards d’euros de fraude aux prestations,
contre 16 milliards d’euros aux prélèvements et 25 milliards d’euros d’impôts non
perçus par le Trésor — ces deux formes de truanderie étant l’apanage des
entreprises et des contribuables fortunés.
Le tapage autour des « abus » présente un second intérêt,
moins souvent pointé du doigt, pour les partisans de l’austérité : en faisant
peser le soupçon sur les bénéficiaires légitimes, on parvient à dissuader un
grand nombre de faire valoir leurs droits. Face à l’armée des « parasites »
s’en dresse ainsi une autre, plus massive encore : celle des personnes qui
n’accèdent pas aux prestations auxquelles elles ont droit. 5,7 milliards
d’euros de revenu de solidarité active (RSA), 700 millions d’euros de
couverture-maladie universelle complémentaire (CMU-C), 378 millions d’euros
d’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, etc., ne sont pas versés à
ceux qui devraient les toucher. Et l’addition est loin d’être complète.
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