Par Emmanuel Bellanger (historien) et Julian Mischi (sociologue)
Le Parti communiste s’est longtemps distingué par son
ancrage municipal qui lui a procuré une légitimité sur la scène politique et un
rayonnement auprès des populations et tout particulièrement des classes
populaires. Mais cette participation des élus communistes au jeu institutionnel
a aussi suscité de la défiance et des dissidences.
Deux mots sont associées couramment à l’expérience sociale
et politique des territoires rouges : le « communisme municipal ». Ce
communisme municipal a assuré au Parti communiste au cours du XXe siècle une
représentation parlementaire et un espace de socialisation, de légitimation et
de ressourcement. Il relève d’une conception exogène, élaborée hors de
l’institution politique, et s’inscrit dans la filiation du socialisme et du
réformisme municipal que les dirigeants du PCF ont toujours rejetée, du moins officiellement.
Dénoncer le « crétinisme municipal »
Dès les années 1920,
la question municipale interpelle la direction du PCF qui perçoit les
contradictions formelles entre le discours subversif qu’elle veut incarner et
la gestion municipale dans un « État bourgeois » qu’elle souhaite détruire. Le
principe du contrôle politique du travail municipal est d’autant plus
revendiqué par l’appareil politique qu’il a été contesté dès les années 1920
par une dizaine de maires communistes de la banlieue parisienne qui ont préféré
ou ont été contraints de quitter ce parti.
Cette défiance originelle ne s’estompe pas dans les
décennies suivantes. Jusque dans les années 1970, pèse sur les élus locaux du
PCF, qui sont de plus en plus nombreux, le soupçon du « crétinisme municipal »
dénoncé en 1945 par Étienne Fajon membre du bureau politique. Cette expression
s’inscrit en opposition avec les règles de bonne conduite attendues d’un élu
local : « le soutien des luttes ouvrières », le maintien de « la liaison
permanente des élus communistes avec les masses », « la lutte contre le pouvoir
de tutelle du gouvernement et de ses préfets », le rejet des « vieilles
théories réformistes » et la « juste application de la politique du parti ».
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