Par Ivan du Roy
Des médecins du travail et des généralistes sont accusés par des entreprises de violer la déontologie médicale. Celles-ci font pression en portant plainte auprès de l’Ordre des médecins. Objectif : faire modifier des certificats médicaux en effaçant tout lien entre l’état de santé du patient et son travail. Ou obtenir que les récalcitrants soient blâmés. Dominique Huez, médecin du travail à la centrale nucléaire de Chinon, vient d’être ainsi condamné par l’Ordre suite à la plainte d’un employeur. Enquête sur des pratiques qui risquent d’avoir de graves conséquences sociales et environnementales.
Les médecins du travail devront-ils s’autocensurer ? Selon l’Ordre des médecins et sa chambre disciplinaire de la région Centre, la réponse est oui. L’Ordre vient de condamner à une « peine d’avertissement » le docteur Dominique Huez, médecin du travail d’EDF sur le site de la centrale nucléaire de Chinon. Sa faute ? Avoir accepté en urgence en décembre 2011 de recevoir un ouvrier, en état de stress avancé, travaillant pour un sous-traitant d’EDF, Orys. Cette filiale du groupe Ortec fournit des services à l’industrie pétrolière et nucléaire. Le médecin constate chez son patient une « pathologie anxio-dépressive », « conséquence d’une suite de syndromes post-traumatiques », « en rapport à un vécu de maltraitance professionnelle ». Le salarié a fait jouer quelques mois plus tôt son droit de retrait sur un chantier où il aurait pu être exposé à des fibres d’amiante. Sa dépression est déjà reconnue en maladie professionnelle. Le médecin rédige donc un certificat médical, y mentionne les faits décrits par le patient et constate que « l’enchaînement de pratiques de maltraitance [au sein de l’entreprise] ne peut qu’aggraver de façon délétère » sa pathologie.
Le salarié quitte la consultation. Dominique Huez n’aura plus aucune nouvelle de lui durant deux ans : « Je ne sais même pas s’il a vu ensuite son généraliste ou son médecin du travail. » Jusqu’au printemps 2013 où le médecin apprend qu’il fait lui-même l’objet d’une plainte de l’employeur, Orys, auprès de l’Ordre des médecins.
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