"L’un des risques dans le Centenaire est de mythifier l’unité nationale en pensant que tout le monde était convaincu
de la justesse de la cause." Nicolas Offenstadt
Nicolas Offenstadt vient de publier (avec André Loez), La Grande Guerre, Carnet du Centenaire (Éd. Albin Michel), livre illustré d’images rares ou inédites qui propose une lecture renouvelée du conflit en lui restituant toute son ampleur d’histoire mondiale, depuis la Nouvelle-Zélande jusqu’à la Baltique en passant par l’Afrique noire, et en proposant des cheminements originaux via personnages ordinaires, lieux, objets, ou vocabulaire. Maître de conférence à la Sorbonne, cet historien spécialiste du Moyen-âge, en membre du fameux collectif de chercheurs, le CRID (Collectif et débat sur la guerre de 14-18), s’élève souvent contre l’œcuménisme mémoriel et les figures imposées d’une histoire officielle.
Vous ne croyez pas aux leçons de l’histoire. En revanche, vous pensez que la Grande Guerre permet de poser des questions utiles. Quelles sont-elles ?Nicolas Offenstadt - Ce qu’apprend l’histoire, c’est justement que les contextes sont toujours dissemblables. C’est pourquoi l’on ne comprendra pas la situation actuelle en se référant aux années 30, par exemple, parce que les enjeux politiques et sociaux et la manière dont les gens ont été élevés sont différents. Ceci étant dit, les questions que posent 14-18 sont innombrables. Comme celle de l’union sacrée. Qu’est-ce qu’elle peut signifier ? Qu’est-ce que cela veut dire de rassembler tout le monde autour d’une même cause ? Une telle question est intéressante pour aujourd’hui lorsque existent des situations de tensions. Autre question : qu’est ce qui a fait que les soldats ont tenu dans les tranchées ? Une réalité qui interroge notre rapport à la société. Qu’est-ce qu’on est capable de sacrifier pour une cause collective ? Comment évaluer l’investissement du citoyen dans une cause qui en vaut la peine ? Et puisqu’est évoqué la question des mutineries et des refus d’obéissance, je pense que la guerre de 14-18 est intéressante en cela qu’elle offre des réflexions sur ce qu’est être dissident dans une situation très tendue et que s’exercent de fortes pressions vers le groupe. En réfléchissant sur les refus de guerre, l’on réfléchit aussi sur les interrogations qui peuvent se poser au citoyen face à l’État ou à certaines demandes de la société.
En quoi, pour vous, l’idée de célébrer la Grande Guerre avec l’image d’une unité idéalisée de la nation peut être fausse ou contre-productive ?
Vous avez raison de poser la question comme cela car l’un des risques dans le Centenaire est de mythifier l’unité nationale en pensant que tout le monde était convaincu de la justesse de la cause.
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