vendredi 17 janvier 2014

Plus que jamais, les Zapatistes sont là !

En arrivant au Chiapas à la fin de l’année 2012, la question à laquelle beaucoup m’avaient demandé de répondre était de savoir si les Zapatistes existaient encore. Tant de rumeurs circulaient à leur égard… On ne parlait presque plus d’eux, ce qui signifiait, pour ceux qui ne les connaissaient guère, une quasi disparition. Le sous-commandant Marcos avait en effet habitué les médias à une intense production de textes, de déclarations, de contes, de récits plus ou moins symboliques. Aussi le silence de ce grand communicateur ne pouvait signifier que repli ou, pire, aveu d’une défaite.
Or, le 21 décembre 2012, jour du changement d’ère maya (et non de la fin du monde, comme la presse mondiale à sensation l’avait proclamé) 40 000 personnes, revêtues du passe-montagne zapatiste, défilent en silence dans cinq villes de l’Etat du Chiapas, dont 20 000 dans la capitale historique de l’Etat, San Cristobal de las Casas. Ils viennent des montagnes du centre et du nord de l’Etat ou de la forêt de Lacandona, à l’est de San Cristobal - une région grande comme la Belgique – en prenant tout le monde par surprise. Il faut s’imaginer ce que signifie préparer une telle opération, réunir les véhicules, mobiliser les gens, avoir l’accord de tous, prendre la route dans une région de sécurité incertaine, parcourir des dizaines de kilomètres et défiler en ordre, pacifiquement, dans cinq villes. Et cela, sans que personne ne s’y attende.

Le plus impressionnant fut la manière de réaliser cette manifestation : sans dire un mot, sans pancartes, sans slogans, sans discours de clôture, simplement en marchant. C’était la réponse à la question posée au début de ce texte. Le message était clair : vous nous croyiez en déclin, mais nous existons et nous sommes aussi forts qu’il y a dix-neuf ans, quand nous avions pris plusieurs des mêmes villes par les armes. Nous sommes même plus forts car nous les prenons sans armes. Notre silence était éloquent car il couvrait à la fois le renforcement de notre organisation locale et les multiples expériences communautaires en cours, face au désastre actuel de la société mexicaine. Une société qui s’enfonce dans la guerre du narcotrafic, dans les méandres de la sale politique, dans l’utilisation systématique de la torture, le trucage des élections et le début d’une récession économique.

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