mardi 1 juillet 2014

"La politique de la ville conduit à territorialiser les difficultés des classes populaires"

Entretien avec Monique Pinçon-charlot et Michel Pinçon
Entretien paru dans l'humanité Dimanche. Dans le nouveau découpage de la politique de la ville, annoncé par le gouvernement, il n’y aura plus que 700 communes, au lieu de 900, et 1 300 quartiers, au lieu de 2 500, éligibles aux aides à partir de janvier 2015. Un dispositif de plus voué à l’échec ? Pour Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, sociologues, la politique de la ville qui accompagne la « compétitivité des territoires » ne s’attaque pas aux causes des inégalités.
HD. La « nouvelle géographie de la politique de la ville » dresse une carte, mise à jour, des zones de pauvreté. Quelle première observation cette carte inspire-t-elle aux auteurs de « la Violence des riches » (1) ?
MONIQUE PINÇON-CHARLOT. Ce qui est curieux dans cette nouvelle carte des quartiers aidés, c’est qu’elle fait ressortir ce que nous ne pouvions pas imaginer, à savoir que beaucoup de villes riches touchaient des crédits au titre de la politique de la ville pour des quartiers « pauvres » au sein de ces communes. Il s’agit, entre autres, de Bourg-la-Reine et Sceaux, dans les Hauts-de-Seine, Biarritz et Anglet, dans les Pyrénées-Atlantiques, Grandville, en Normandie, Écully, dans le Rhône, Le Cannet et Saint-Raphaël, dans le Sud... Lorsque l’on connaît ces endroits, cela stupéfie.
Car voilà des communes dont la population est très majoritairement aisée, sinon riche. On y trouve un taux élevé d’assujettis à l’ISF. Et les municipalités ne seraient pas capables, sans les crédits de l’État, d’organiser l’aide aux quelques familles démunies qui y vivent ? C’est encore la preuve que les très riches ont des postures anti-redistributives vis-à-vis des autres classes sociales, et sont d’un cynisme à toute épreuve. La résistance à la construction de logements sociaux est d’ailleurs fréquente dans ces villes. Dans « la Violence des riches », nous décrivons, à Neuilly, un ensemble de 154 logements sociaux, cachés et complètement dégradés. Malgré la lutte des habitants, il n’y a pas de rénovation ni de perspective de relogement. C’est stupéfiant de voir une ville aussi riche que Neuilly s’occuper aussi mal de ces quelques familles modestes ainsi isolées dans ce qui prend des airs de ghetto.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire