Entretien paru dans l'humanité Dimanche. Dans le nouveau
découpage de la politique de la ville, annoncé par le gouvernement, il n’y aura
plus que 700 communes, au lieu de 900, et 1 300 quartiers, au lieu de 2 500,
éligibles aux aides à partir de janvier 2015. Un dispositif de plus voué à
l’échec ? Pour Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, sociologues, la
politique de la ville qui accompagne la « compétitivité des territoires » ne
s’attaque pas aux causes des inégalités.
HD. La « nouvelle géographie de la politique de la ville »
dresse une carte, mise à jour, des zones de pauvreté. Quelle première
observation cette carte inspire-t-elle aux auteurs de « la Violence des riches
» (1) ?
MONIQUE PINÇON-CHARLOT. Ce qui est curieux dans cette
nouvelle carte des quartiers aidés, c’est qu’elle fait ressortir ce que nous ne
pouvions pas imaginer, à savoir que beaucoup de villes riches touchaient des
crédits au titre de la politique de la ville pour des quartiers « pauvres » au
sein de ces communes. Il s’agit, entre autres, de Bourg-la-Reine et Sceaux,
dans les Hauts-de-Seine, Biarritz et Anglet, dans les Pyrénées-Atlantiques,
Grandville, en Normandie, Écully, dans le Rhône, Le Cannet et Saint-Raphaël,
dans le Sud... Lorsque l’on connaît ces endroits, cela stupéfie.
Car voilà des communes dont la population est très
majoritairement aisée, sinon riche. On y trouve un taux élevé d’assujettis à
l’ISF. Et les municipalités ne seraient pas capables, sans les crédits de
l’État, d’organiser l’aide aux quelques familles démunies qui y vivent ? C’est
encore la preuve que les très riches ont des postures anti-redistributives
vis-à-vis des autres classes sociales, et sont d’un cynisme à toute épreuve. La
résistance à la construction de logements sociaux est d’ailleurs fréquente dans
ces villes. Dans « la Violence des riches », nous décrivons, à Neuilly, un
ensemble de 154 logements sociaux, cachés et complètement dégradés. Malgré la
lutte des habitants, il n’y a pas de rénovation ni de perspective de
relogement. C’est stupéfiant de voir une ville aussi riche que Neuilly
s’occuper aussi mal de ces quelques familles modestes ainsi isolées dans ce qui
prend des airs de ghetto.
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