Par Thomas Lemahieu
Après nos révélations, le patron des patrons fait une
présentation tronquée des résultats de son groupe. L’objectif ? Minorer les
profits pour justifier la dégringolade, de 25 % à 3 %, des impôts payés en
France…
«C’est un monument de rigolade, cet article de l’Humanité.
J’adore. » Président du directoire de l’entreprise familiale Radiall et numéro
un du patronat français, Pierre Gattaz a donc « adoré » – c’est sur l’antenne
de France Info qu’il l’a dit mardi soir – nos révélations sur les procédés
d’optimisation qui permettent à son groupe de réduire à néant, ou presque, sa
contribution fiscale en France, tout en bénéficiant de crédits d’impôt et en
multipliant les dividendes (lire notre édition du 1er juillet).
Après n’avoir pas donné suite, lundi, à nos sollicitations
avant parution, après avoir fait le dos rond, mardi, pendant une partie de la
journée – au Nouvel Obs, son entourage s’est juste dit « surpris par
l’interprétation des chiffres » –, Pierre Gattaz a fini, devant le buzz, par
retrouver sa langue. En guise de « réponse » à nos informations, il a posté sur
son blog (1) un billet narquois en forme de « petit cours d’économie pour
débutants ». Au-delà de sa « fascinante affirmation » selon laquelle un impôt,
ou un crédit d’impôt comme le Cice (crédit d’impôt compétitivité emploi) ne
serait pas de l’argent public (lire ci-contre), le président du Medef ricane un
peu et raille beaucoup en mettant en avant une série de données comptables
différentes des nôtres, aussitôt reprises par nos confrères mais passablement
tronquées. De quoi permettre à l’AFP qui, plus tôt dans la journée, avait
diffusé l’essentiel de notre enquête, de faire machine arrière en titrant une
dépêche : « Gattaz répond point par point aux accusations de l’Humanité sur son
entreprise ».
Le problème pour Pierre Gattaz – et ceux qui choisiront de
le suivre aveuglément –, c’est que rien de ce qu’il avance ne remet en cause
les révélations de l’Humanité. C’est d’ailleurs logique à partir du moment où
le patron de Radiall choisit d’éluder complètement la question, centrale dans
notre enquête, des prix de transfert, ce mécanisme d’optimisation fiscale qui,
à la faveur des flux de biens ou de services entre les filiales implantées dans
le monde entier, permet aux groupes d’affecter les marges aux bureaux de vente
à l’étranger qui bénéficient des régimes fiscaux les plus avantageux. Les
données contenues dans les rapports annuels du groupe Radiall sont explicites
et incontestables – et d’ailleurs Pierre Gattaz ne les conteste pas : la part
de la contribution fiscale payée par Radiall en France est passée, entre 2010
et 2013, de 25 % à 3 % ; 202 000 euros ont ainsi été versés au titre de l’impôt
sur les bénéfices dans l’Hexagone (sur 6 millions d’euros d’impôts au total
dans le monde) ; les crédits d’impôts, Cice compris, ont dépassé les
2 millions d’euros pour l’année 2013 ; pour un montant de 2,8 millions d’euros
en 2014, les dividendes, au bénéfice quasi exclusif de la famille Gattaz, ont
presque doublé en quelques années.
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