samedi 13 novembre 2010

Qui a peur du Front de Gauche ?

Où s'arrêtera l'escalade verbale ? Jean-Paul Huchon a dégainé le premier: sur le site internet de l'hebdomadaire l'Express, le Président du Conseil régional d'Ile-de-France affirmait il y a deux semaines que « Jean-Luc Mélenchon est pire que Le Pen ». On appréciera le sens de la nuance. Il y a quelques jours, dans Le Parisien dimanche, Manuel Valls lui emboîtait le pas en le qualifiant de « danger pour la démocratie ». On se pince: à l'heure où le gouvernement adopte une loi sur les retraites rejetée par 70% des Français, dénoncée par 8 centrales syndicales, repoussée par des millions de manifestants qui se sont retrouvés à l'occasion de de 8 journées de mobilisations nationales, la République se trouverait menacée... par le Front de Gauche ! Il y a trois jours, c'était au tour de Daniel Cohn-Bendit de renchérir sur ses deux comparses en reprochant au même de « labourer sur les terres du FN ». Sans doute jaloux que les deux autres lui aient volé la politesse, l'eurodéputé était forcé de franchir un cap supplémentaire. C'est désormais chose faite.
On serait tenté de balayer ces déclarations d'un revers de main tant l'outrance disqualifie ceux qui les ont proférées. Mais le procédé finit par être trop systématique pour qu'il puisse être laissé sans réponse. Il convient que chacun mesure les conséquences pratiques de tels propos. Parler ainsi, c'est ériger au coeur de la gauche un mur infranchissable. C'est diviser celle-ci au point de rendre impossible toute forme de rassemblement. Comment en effet créer les conditions de l'unité si l'on affirme dans le même temps que ses partenaires potentiels sont « pires que le Pen » ? Pour le Front de Gauche, les choses ont été claires de ce point de vue. Au premier tour, on choisit. Et force est de constater que les choix à gauche sont divers. Au second tour, on se rassemble. C'est d'ailleurs cette logique qui a prévalu aux élections régionales en Ile-de-France, lorsque Jean-Paul Huchon a accueilli sur la liste du second tour des candidats du Front de Gauche. C'est cela que nos trois larrons sont en train de détruire.
Et puis franchement, au moment où le Front National semble reprendre du poil de la bête, ces propos sont d'une irresponsabilité stupéfiante. S'ils avaient eu l'intention de banaliser l'extrême-droite, ils ne s'y seraient assurément pas pris autrement.
Alors pourquoi ? Comment comprendre une telle escalade ? Une hypothèse peut-être: ces trois-là nous ont souvent dit qu'une victoire de la gauche passerait forcément par la case Modem. Il se trouve que depuis, la crise est passée par là, le Front de Gauche a entamé une belle dynamique et le mouvement social sur les retraites a placé la question sociale au coeur du débat politique. C'est peut-être cela, au fond, qui chagrine Huchon, Valls et Cohn-Bendit. Un sondage paru dans l'Humanité Dimanche la semaine dernière révèle que les électeurs attendent de la gauche des ruptures franches avec le système capitaliste. Ils plébiscitent l'augmentation des salaires, les hausses d'impôts sur les hauts revenus, l'encadrement des prix de l'immobilier. Autant de pistes qui hérissent le poil de nos trois comparses. C'est juste une idée, mais quelque chose me dit que c'est ce qui leur faire perdre le sens commun.


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