François Hollande et son
gouvernement ont capitulé face à toute perspective de transformation
sociale et de refondation démocratique. Tel est le constat que dresse
Laurent Mauduit, journaliste et fondateur de Médiapart dans son livre L’étrange capitulation.
Pire, il traçe un parallèle entre les abdications d’aujourd’hui et les
renoncements des élites avant-guerre, qui ont mené à l’effondrement de
la République. Que reste-t-il du socialisme ? De l’espoir du 5 mai
2012 ? De la gauche ? Entretien.
Basta ! : Votre livre a pour fil conducteur « L’étrange défaite », rédigé par l’historien Marc Bloch pendant la seconde guerre mondiale. Il y dénonce la trahison des dirigeants français dans la débâcle. Pourquoi tracer un tel parallèle ?
Laurent Mauduit : Dans « L’étrange défaite », Marc Bloch établit que la débâcle de juin 40 n’est pas une victoire des armées allemandes mais d’abord une défaite des Français sur eux-mêmes. C’est la nullité et l’arrogance de l’état-major. Surtout, les élites françaises et la bourgeoisie d’affaires sont idéologiquement du côté des vainqueurs avant même la défaite. C’est une capitulation anticipée : « Non seulement ils se sont laissé battre mais ils ont trouvé très naturel d’être battus », écrit Marc Bloch. « Le pis fut que nos ennemis y furent pour peu de choses. » Bien qu’il faille toujours se méfier des parallèles historiques, cette comparaison a une force terrible. Les années 1930 sont marquées par une crise économique aux causes assez similaires à la situation actuelle. C’est de plus l’apogée du fascisme, l’apogée du stalinisme et des procès de Moscou. Aujourd’hui est-ce de la complicité, de l’épuisement ou les deux ? Le constat de capitulation dans des situations historiques différentes reste le même.
« Les socialistes sont-ils demeurés… des socialistes ? », interrogez-vous. Poser la question n’est-ce pas y répondre ?
Nous arrivons à la fin d’une histoire du socialisme. Malgré ses reniements à différentes époques, le socialisme avait toujours incarné un souffle, une espérance. Le poids de la fatalité peut être renversé par la volonté des hommes : tel était son fondement. Nous vivons une crise politique, sociale, économique, éthique sans qu’il n’y ait vraiment de débat, à gauche, notamment sur la réorientation de l’économie. Aucune grande voix ne s’élève pour proposer d’autres solutions. Où est Marceau Pivert (dirigeant socialiste avant-guerre, ndlr) et son « tout est possible » ? Marceau Pivert qui, en 1937, disait au gouvernement socialiste : « Non, je n’accepte pas de capituler devant le capitalisme et les banques. » Malgré sa gravité, la crise peut générer des outils intellectuels pour la surmonter. Des personnalités incarnent cela dans l’histoire : les révolutions de 1848 génèrent Marx, la crise de 1929 génère Keynes. Aujourd’hui, nous n’entendons aucune grande voix. Les socialistes ont l’apparence de notaires tristes.
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Basta ! : Votre livre a pour fil conducteur « L’étrange défaite », rédigé par l’historien Marc Bloch pendant la seconde guerre mondiale. Il y dénonce la trahison des dirigeants français dans la débâcle. Pourquoi tracer un tel parallèle ?
Laurent Mauduit : Dans « L’étrange défaite », Marc Bloch établit que la débâcle de juin 40 n’est pas une victoire des armées allemandes mais d’abord une défaite des Français sur eux-mêmes. C’est la nullité et l’arrogance de l’état-major. Surtout, les élites françaises et la bourgeoisie d’affaires sont idéologiquement du côté des vainqueurs avant même la défaite. C’est une capitulation anticipée : « Non seulement ils se sont laissé battre mais ils ont trouvé très naturel d’être battus », écrit Marc Bloch. « Le pis fut que nos ennemis y furent pour peu de choses. » Bien qu’il faille toujours se méfier des parallèles historiques, cette comparaison a une force terrible. Les années 1930 sont marquées par une crise économique aux causes assez similaires à la situation actuelle. C’est de plus l’apogée du fascisme, l’apogée du stalinisme et des procès de Moscou. Aujourd’hui est-ce de la complicité, de l’épuisement ou les deux ? Le constat de capitulation dans des situations historiques différentes reste le même.
« Les socialistes sont-ils demeurés… des socialistes ? », interrogez-vous. Poser la question n’est-ce pas y répondre ?
Nous arrivons à la fin d’une histoire du socialisme. Malgré ses reniements à différentes époques, le socialisme avait toujours incarné un souffle, une espérance. Le poids de la fatalité peut être renversé par la volonté des hommes : tel était son fondement. Nous vivons une crise politique, sociale, économique, éthique sans qu’il n’y ait vraiment de débat, à gauche, notamment sur la réorientation de l’économie. Aucune grande voix ne s’élève pour proposer d’autres solutions. Où est Marceau Pivert (dirigeant socialiste avant-guerre, ndlr) et son « tout est possible » ? Marceau Pivert qui, en 1937, disait au gouvernement socialiste : « Non, je n’accepte pas de capituler devant le capitalisme et les banques. » Malgré sa gravité, la crise peut générer des outils intellectuels pour la surmonter. Des personnalités incarnent cela dans l’histoire : les révolutions de 1848 génèrent Marx, la crise de 1929 génère Keynes. Aujourd’hui, nous n’entendons aucune grande voix. Les socialistes ont l’apparence de notaires tristes.
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