L’accord
national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier sur l’emploi a été
transposé dans un projet de loi de « sécurisation de l’emploi », lequel
sera examiné à l’Assemblée nationale à partir du 2 avril. Cet ANI divise
les organisations syndicales comme en témoigne cette analyse de Serge
Le Quéau, représentant de l’Union syndicale Solidaires au Conseil
économique, social et
environnemental de Bretagne. Nous publions ici l’intégralité de ce texte
qui s’interroge sur l’attitude de certains syndicats dans un « projet
de société » jugé « dangereux ».
L’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier dernier entend construire un
« nouveau
modèle économique et social au service de la compétitivité des
entreprises et de la sécurisation de l’emploi et des parcours
professionnels des salariés ». Il a été signé d’une part par le
Medef, représentant du patronat et, d’autre part, par la CFDT, la CFTC
et la CGC. A elles trois, elles ne représentent qu’une minorité des
salariés français. Elles sont pourtant étrangement considérées comme
représentatives par le gouvernement. L’évidence du contraire fait peser,
d’entrée de jeu, une sérieuse réserve sur la validité juridique même de
cet accord. Mais là n’est pas le point qui nous importera ici. Ce qui
compte, c’est le mécanisme que cet accord met en place de façon inédite.
Ce mécanisme est bien, en effet, au cœur d’un nouveau modèle économique
et social. C’est même un nouveau « pacte social », proprement
stupéfiant, que nous proposent les signataires de l’accord. Il convient
donc d’analyser sur quels fondements est construit ce dangereux « projet
de société ».
Il y a une quinzaine d’années, Denis Kessler, assureur et
vice-président et théoricien du Medef affichait clairement son
ambition : œuvrer pour que le contrat prime sur la loi et pour que les
risques pris par les investisseurs ne soient plus assumés par le seul
capital mais aussi (et surtout !) par le travail [
1]. Avec cet ANI, M. Kessler voit avancer à grands pas cette Refondation sociale [
2].
C’est-à-dire, sécuriser les employeurs et les investisseurs en
précarisant, toujours plus, les salariés et les demandeurs d’emplois,
qui sont réduits au statut de variables d’ajustement. Cet accord de 28
articles est devenu un « projet de loi » gouvernemental. Si le parlement
l’entérine, les salariés des salariés seront confrontés à une menace
inédite particulièrement perverse.
L’idée centrale : placer le loup dans la bergerie
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