Par Paul Alliès
En quelques jours, l'Exécutif a sacrifié à la pire tradition des
pratiques autoritaires anti-parlementaires de la V° République. Ce n'est
pas cette fois-ci, sur des questions de procédure mais sur des sujets
emblématiques que sont, tout autant l'accord dit de sécurisation de
l'emploi (ANI) et l'amnistie sociale. Ce sont deux registres sur
lesquels le Parlement détient des prérogatives essentielles: le droit
d'amendement et le pardon légal.
Le samedi 20 avril, 48 heures après la fin de la discussion générale
au Sénat sur l'ANI, face à quelques centaines d'amendements Communistes
et Verts, le gouvernement a eu recours à l'article 44-3 (le vote
bloqué). L'assemblée n'a donc pu se prononcer par un seul vote que sur
les amendements acceptés par le gouvernement. C'est la même procédure
utilisée en 2010 par le gouvernement Fillon sur la réforme des
retraites. A l'époque, Martine Aubry, Première secrétaire du PS avait
déclaré: "On refuse aux élus de la Nation le temps nécessaire au débat.
Cette décision déshonore et discrédite le gouvernement et le président
de la République". Et aujourd'hui ?
Ce jeudi 25 avril, c'est la proposition de loi défendue par le Front
de Gauche qui se voit opposer un véto du même gouvernement. Elle avait
pourtant fait l'objet d'un premier vote des sénateurs de gauche au Sénat
avec l'approbation de la Garde des Sceaux, au prix d'une forte révision
à la baisse du périmètre de son application. Ce pouvoir d'amnistier est
fondamental, inscrit à l'article 34 de la Constitution, le noyau dur du
domaine de la loi très réduit en 1958. Il déroge au principe de la
séparation des pouvoirs puisqu'il donne au parlement un pouvoir de
justice. Mais le Conseil Constitutionnel (décision du 8 juillet 1989) a
confirmé qu'il était bien dans le ressort du pouvoir exclusif du
Parlement.
On n'entrera pas ici dans le contenu des deux textes. Il s'agit de
prendre la mesure de ce qui est entrain de se passer: un alignement du
pouvoir en place sur la dévaluation continue du parlement dans nos
institutions. On posait ici-même la question (voir billet du 9
septembre 2012) de savoir si la Gauche allait revaloriser les droits du
Parlement comme l'avait annoncé F. Hollande durant sa campagne. Cette
question devient: jusqu'où ira cette dévalorisation ? On peut parier que
les dispositifs de la révision de la Constitution par Sarkozy en 2008
vont s'appliquer: de la "réserve de vote" à la "procédure accélérée".
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