"La loi du bâillon imposé aux parlementaires est aussi un très
mauvais signal adressé au monde du travail", estime Jean-Paul Piérot
dans l'éditorial de l'Humanité de ce lundi.
Dans la rue, sous les projecteurs des médias, la droite, toutes
chapelles confondues, s’agite, s’époumone contre le droit au mariage
pour tous. Cette démonstration, dont Paris fut hier une fois de plus le
théâtre, présente pour elle deux avantages. En premier lieu, elle permet
de fédérer, sur un sujet qui fait consensus dans la partie la plus
rétrograde de la société, l’UMP, le FN et les satellites plus ou moins
contrôlés gravitant à leur périphérie. Que la majorité des Français soit
favorable à ce nouveau droit, à ce progrès de la société, n’est
finalement pas l’essentiel pour les stratèges de la droite : cette grand-messe de la réaction prépare l’opinion à d’autres alliances lors des prochaines échéances politiques, en premier lieu les élections municipales de 2014.
Mais le second avantage de cette excitation printanière consiste à
mettre en scène le spectacle d’une opposition se présentant comme
radicale et identitaire contre le gouvernement et le Parti socialiste.
Des manifestations répétées, avec si possible quelques images
d’affrontements avec la police, donnent à peu de frais l’image d’une
opposition mobilisée. Cette radicalisation surjouée, qui encourage dans
son sillage des actes de haine et de violences, fait passer au second plan d’autres questions qui ne font pas controverse
avec le gouvernement. Et cela pour une raison simple, c’est que la
droite n’a rien ou si peu à redire aux orientations de l’exécutif en
matière de politique économique et sociale. Ainsi va la droite, côté
cour, côté jardin.
Le coup de force commis dans la nuit de samedi à dimanche par le
gouvernement contre le débat sénatorial sur le projet de loi de
flexibilisation de l’emploi pour couper court à la discussion des
amendements déposés par le groupe communiste et par une partie des
sénateurs socialistes et écologistes a été traité pour le moins
discrètement par les médias. Tout aussi discrètement, les sénateurs de
l’UMP ont pu s’abstenir, pour permettre son adoption, sur le texte du
projet de loi inspiré et soutenu par le Medef. L’utilisation par le
gouvernement Ayrault de l’article 44.3, une mesure d’exception qui met
fin à toute discussion, non pas contre l’opposition, mais contre une
composante de la majorité sénatoriale, n’est pas un acte anodin. C’est
un geste qui laissera des traces dans les relations entre l’exécutif et
la partie la plus à gauche de la représentation parlementaire.
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