par Maurice Ulrich
L’affaire de Roanne a une portée hautement symbolique et, au
sens fort, politique. Les cinq militants syndicaux poursuivis le savent
et
ils l’assument, quand bien même ils en paient le prix. Il est lourd,
en termes de stress, de vie familiale, d’humiliation et de colère.
Le point de départ, on le sait, c’était, il y a trois ans, quelques
tags hostiles à Nicolas Sarkozy et au député UMP local pendant les
luttes contre la réforme des retraites. Mais le point où ils en sont
aujourd’hui, où nous en sommes, car cela nous concerne tous, c’est, pour
le résumer, le fait qu’un simple test ADN est devenu un enjeu de lutte
des classes. C’est parce qu’ils le refusent qu’ils sont aujourd’hui
poursuivis et que la CGT appelle à faire de cette journée
du
5 novembre, à Roanne, une journée pour les libertés.
C’est que, en réalité, au-delà d’un inacceptable acharnement
antisyndical, démesuré au regard
des faits, ce pourquoi du reste la
cour d’appel de Lyon les avait jugés coupables mais pas condamnables, il
s’agit de cette question : l’action syndicale, collective, peut-elle
faire l’objet d’un fichage qui, créé au départ pour mieux lutter contre
les délits sexuels, viols et autres, n’a cessé de s’étendre à d’autres
infractions et délits ? Et il faudrait aujourd’hui que des militants
acceptent de s’y soumettre, d’être considérés comme des délinquants
potentiellement récidivistes ? Avant eux, d’autres syndicalistes ont
refusé, légitimement, de s’y soumettre, avec la même conscience de
l’enjeu. Le patronat et son personnel politique n’ont jamais renoncé à
considérer
les syndicalistes comme des empêcheurs d’exploiter en rond,
en tentant pour cela de les faire passer pour
des fauteurs de troubles.
« Des salopards en casquettes », disaient-ils au moment
du Front
populaire. En d’autres termes il faudrait que
les salariés subissent
les patrons voyous, les licenciements boursiers, les OPA et autres
rachats, les régressions sociales, la remise en cause des acquis de
décennies
de luttes ouvrières, en discutant bien sagement, comme
des
images, les conditions de leur soumission. Alors, disons-le bien
clairement, au risque d’être taxés d’archaïsme ou de ce qu’on voudra :
l’exploitation capitaliste est déjà une forme de contrainte exercée
sur
ceux qui n’ont pour vivre que leur force de travail.
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