samedi 18 novembre 2023

Interview d’André Chassaigne, dans le journal l’Humanité, sur la situation en Israël et en Palestine


André Chassaigne, le chef de file des députés communistes à l’Assemblée nationale appelle à ce que Paris œuvre à un cessez-le-feu immédiat en Israël-Palestine. La communauté internationale doit intervenir pour éviter une escalade mortifère.

« Quelle est votre position sur ce qui s’est passé en Israël et sur la réplique qui comporte un blocus complet de Gaza et des bombardements ? Dès les premières heures, les communistes ont condamné sans réserve l’attaque terroriste perpétrée par le Hamas en Israël contre des civils. Comment ne pas être horrifié face à la violence aveugle qui s’est déchaînée sur des enfants, des femmes, des vieillards ? Comment ne pas être terrorisé par les prises d’otages en vue de servir de boucliers humains ? Les militants pour la paix que nous sommes sont tout aussi meurtris par les bombes qui pleuvent aujourd’hui sur les civils gazaouis, lesquels sont privés d’eau et d’électricité et n’ont aucune possibilité de fuir ou de se protéger. Des heures très sombres sont à craindre pour les civils piégés dans la bande de Gaza, à la suite des déclarations du ministre israélien de la Défense qui a fait la promesse de les traiter comme « des animaux ». Des milliers de Palestiniens innocents vont être les victimes de cette vengeance terrifiante qui ne fait pas de distinction entre les civils et les terroristes du Hamas. Face à une telle spirale de violence, que penser des prises de position du gouvernement, qui parle notamment de « droit d’Israël à se défendre » ? Y voyez-vous une rupture de la position diplomatique de la France ? La France doit retrouver la voix qui était la sienne dans le Moyen-Orient. Une voix qui comptait et pesait dans cette région pour privilégier la paix. La rupture opérée avec la politique diplomatique française sous Nicolas Sarkozy, poursuivie sous François Hollande et amplifiée sous les mandats de Macron est une catastrophe.

La France doit porter haut et fort une parole de paix, et se mettre à son service exclusif. Les premières déclarations du président de la République et de son gouvernement ne s’inscrivent pas dans cet esprit. La France s’abîme en jouant la carte de l’affrontement. Nous sommes très inquiets. Sur le même thème Israël-Palestine : de de Gaulle à Macron, 60 ans de politique étrangère française Que penser de la réaction de la communauté internationale, qui semble abandonner tout processus de paix et tout respect du droit international depuis des années ? Depuis la création de l’État d’Israël, les institutions internationales sont défaillantes et incapables d’offrir une solution au problème du peuple palestinien. Cette défaillance explique, depuis tant d’années, la souffrance des Israéliens et des Palestiniens, qui ne connaissent ni la sécurité, ni la paix. Il est urgent de dénoncer et de mettre fin à soixante-quinze années de duplicité sur la question palestinienne. La communauté internationale, par la voix de l’ONU, condamne la politique colonialiste israélienne et le traitement réservé aux Palestiniens, privés de leurs droits fondamentaux, mais ferme les yeux sur les résolutions bafouées par Israël. Quel rôle doit tenir la France pour favoriser la désescalade ? À terme, comment parvenir à la paix ? À court terme, la France doit œuvrer à un cessez-le-feu, c’est la première des urgences. Notre place au sein du Conseil de sécurité de l’ONU nous oblige. Cependant, dès ce cessez-le-feu, nous ne pourrons – comme cela se pratique à chaque fois – remettre le couvercle sur la marmite en espérant que le prochain conflit ne soit ni trop sanglant ni trop proche du précédent. La France doit donc être à l’initiative d’un Conseil de sécurité de l’ONU qui mette fin à la politique d’occupation et qui se consacre à la recherche d’une solution à deux États coexistants. Un État pour le peuple israélien et un État pour le peuple palestinien, dont les frontières seraient protégées par la communauté internationale. C’est la seule solution pour installer une paix durable et mettre fin à la spirale destructrice. Vous avez évoqué, mardi 10 octobre, un « gouvernement d’extrême droite » en Israël. Pourquoi cette qualification ? Le qualificatif de « gouvernement d’extrême droite » se justifie par sa composition autour d’une droite nationaliste qui accélère la colonisation au nom du mythe du « Grand Israël » et qui s’entoure de partis religieux extrémistes. Le meilleur exemple en est la loi sur « l’État-nation du peuple juif », qui est entrée en vigueur en 2018, inscrivant dans la Loi fondamentale de l’État d’Israël l’inégalité et la discrimination à l’égard des non-juifs. Sur le même thème En Israël, « l’absence d’égalité est au cœur de tout » La situation et l’attaque du Hamas risquent-elles de renforcer Netanyahou sur la base d’une grande unité nationale, ou bien au contraire de favoriser l’émergence de voix pour la paix ? Quand sera passé le temps de la terreur, le temps de l’angoisse pour le devenir des otages, le temps du deuil pour toutes les familles des victimes, je crois fermement que le peuple israélien, qui aspire à sa sécurité et à la paix, examinera sereinement sa situation politique intérieure et interrogera la politique du gouvernement de Netanyahou qui ne veut pas de deux États et qui a cru bon de renforcer le Hamas au détriment des organisations palestiniennes qui luttent pour une solution à deux États. Le Hamas, organisation terroriste, et l’extrême droite israélienne ne veulent pas de deux États. Les voix israéliennes et palestiniennes, porteuses d’une volonté de paix, doivent parler ensemble pour sortir de l’escalade guerrière. Les peuples israélien et palestinien choisiront la raison à l’enfer, il faut en être convaincu et les aider à y parvenir. »

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire