Le collectif #NousToutes, les associations féministes, lesbiennes, trans, les syndicats et les partis politiques ont répondu au mot d’ordre “contre les violences de genre, les violences sociales et d’Etat”.
“Cette année nous ouvrons la marche avec toutes les femmes mortes des mains de leur conjoint sous la présidence Macron. La grande cause de son quinquennat, c’est 850 victimes.” Digne, Sandrine Bouchait tient la banderole de tête signée par l’Union nationale des familles de féminicide qu’elle préside, ce 25 novembre, journée internationale de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, à Paris. Comme les femmes qui l’entourent, elle a perdu une proche, sa sœur Ghylaine, brûlée vive par son compagnon au Plessis Robinson (Hauts-de-Seine) en 2017. “Il est temps que leur mort ne soient pas vaines. Il faut que le féminicide soit inscrit dans le Code pénal. Nous ne sommes pas la propriété des hommes. Nous ne sommes pas contre les hommes, nous sommes pour les femmes”, scande au micro Jodie Coste, ambassadrice de l’association. Derrière elle, une forêt glaçante de pancartes en noir et blanc représentent le profil des 850 victimes. Mounia, 30 ans, mère de deux enfants, 2017. Nadia, 62 ans, 2022. Marcelle, 80 ans, 2019… Quand une minute de silence leur rend hommage, les yeux se ferment au premier rang.
Baptiste Girardet marche à leurs côtés. Depuis sept ans, il a fondé l’association Sang froid après avoir été formé au Canada au nettoyage des scènes de crime. “Il faut du sang froid pour faire mon métier, et c’est aussi sa présence qu’on constate sur les murs, les plafonds quand on intervient. Après avoir été pompier de Paris puis policier scientifique, j’ai créé mon entreprise, et je mets en lien les familles et les professionnels du nettoyage.” Nombreuses sont encore les familles qui récupèrent les logements souillés après l’assassinat de leur proche. Une violence ajoutée à la violence de la perte contre laquelle Baptiste Girardet se bat. En avril 2022, il a enfin obtenu, avec Sandrine Bouchait, qu’un décret permette à la justice d’ordonner ce nettoyage pour en dispenser les familles. Mais le texte n’est pas encore assez connu des magistrats.
Le collectif #NousToutes, à l’origine de ces manifestations du 25 novembre, les associations féministes, lesbiennes, trans, les Rosies d’Attac reconnaissables à leur bleu de travail et leurs chorégraphies, les syndicats et les partis politiques, toutes et tous, cette année, ont répondu au mot d’ordre “contre les violences de genre, les violences sociales et d’Etat”. “Quand la Fondation des femmes estime à 2,6 milliards d’euros par an le budget minimum que l’État devrait consacrer à la protection des victimes de violences conjugales, sexistes et sexuelles en France, il n’en dépense que 184,4 millions”, résume le PCF. “Les violences au travail ne peuvent plus durer, patronat et gouvernement doivent sortir de l’immobilisme”, renchérit Sophie Binet, de la CGT, alors qu’une syndicaliste brandit derrière elle une affichette : “En France, un viol toutes les six minutes”.
Demande de pérennisation de la Civiise
Le collectif #NousToutes réclame aussi “l’application de la loi de 2001 prévoyant trois séances par an à l’éducation à la vie sexuelle et affective dès le premier cycle de scolarité”, le “financement de la recherche pharmaceutique et médicale adaptée aux besoins des femmes et des personnes LGBTQIA+”, la création de nouvelles places d’hébergement pour les victimes, mais aussi “la pérennisation et le financement de la Civiise”, cette commission agissant contre l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants dont l’avenir et les nouvelles missions restent floues. De nombreux partis d’opposition s’inquiètent aussi que la France refuse de définir le viol comme un crime dans la directive européenne sur la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.
En marge de la manifestation, deux copines aux cheveux verts et violets décorent les trottoirs au pochoir : “Violeurs, hors de nos ministères”, peut-on lire au sol. Régulièrement, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin – contre lequel des femmes ont porté plainte pour viol et abus de faiblesse mais les affaires ont été classées – est appelé à démissionner.
Si le groupe d’extrême droite Nemesis ne s’est pas distingué cette année comme l’an dernier ou il y a trois ans, un autre collectif dit “citoyen” s’est agrég en fin de cortège, dénonçant un “féminicide de masse du Hamas”. Anonymes, ces organisatrices aux pantalons tachés volontairement de sang assuraient s’être organisées spontanément malgré des pancartes et photos imprimées avec du matériel professionnel. Devant elles, des hommes en cagoule insistaient pour mettre “les femmes devant”. Cantonné en queue de cortège, isolé par les autres militantes, le collectif n’a finalement pas réussi à provoquer les autres manifestantes.
Kareen Janselme
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